Napoléon
villages d’Aspern et d’Essling par des fortifications qui lui permettront, du moins le croit-il, de soutenir victorieusement le choc. D’autres ouvrages plus isolés sont élevés entre Essling et Gross-Enzersdorf. Napoléon décide alors de traverser le petit bras duDanube beaucoup plus vers l’aval – et, cette fois, avec trois ou quatre ponts – afin de tourner avec le gros de ses forces, les villages d’Aspern, d’Essling et leurs puissantes défenses. On attaquera la gauche ennemie et l’on se jettera vers le plateau de Wagram, relativement dégarni – du moins on l’espérait. Il s’agissait, en somme, d’effectuer un vaste mouvement tournant, en pivotant en quelque sorte autour d’Essling, d’Aspern et de Gross-Enzersdorf.
Ce pivot – la gauche française – va être tenu par Masséna qui, blessé la veille par une chute de cheval, combattra en calèche attelée à quatre chevaux – comme le maréchal de Saxe à Fontenoy. Le plan offre cependant quelque danger : si l’Archiduc n’estpas solidement contenu dans les villages et passe à l’offensive, il pourra se glisser le long du fleuve, s’emparer des ponts et couper l’armée de sa base de Lobau.
Le mardi 4 juillet, les troupes qui ne cessent d’affluer vont rejoindre le corps de Masséna. Elles se trouvent si serrées dans l’île que les hommes se touchent « en tous sens ». L’Archiduc apprend ce jour-là qu’il n’a plus seulement en face de lui Masséna, mais bien toute l’armée napoléonienne concentrée dans l’île Lobau. Il fait canonner les positions françaises. Vers 3 heures de l’après-midi, un terrible orage s’abat sur l’armée. Faut-il retarder l’attaque prévue pour le 5 et le 6 juillet ?
— Non, décide l’Empereur, vingt-quatre heures de retard et nous aurons l’archiduc Jean sur les bras !
Les Français sont aussi trempés que s’ils avaient traversé le Danube à la nage. « Une pluie abondante, nous raconte l’adjudant de la Garde Corniquet dans son récit inédit, nous traversa bientôt jusqu’aux os ; le tonnerre grondait de toutes parts ; les obus et les boulets tombaient comme la grêle... » La nuit descend sur l’île et le déluge continue. Mais les cataractes qui s’abattent du ciel n’empêchent pas six nouveaux ponts d’être jetés sur le petit bras. En pleine nuit, sous des torrents de pluie et de grêle, l’armée commence à franchir le fleuve par les nouveaux ouvrages et à déborder la gauche autrichienne.
— Mon ami, fichu temps ! dit Napoléon en s’approchant d’un vieux grenadier placé à sa porte.
— Vaut mieux ça que pas du tout ! bougonne le grognard.
Et l’Empereur rit de la réponse.
Le mercredi 5 juillet va se jouer la bataille de Gross-Enzersdorf qui précède celle de Wagram.
L’armée poursuit son mouvement et les bataillons continuent à se déverser dans la plaine – par là même où ne les attendent pas l’ennemi. « Dans les grains jusqu’au col », précise notre adjudant, l’armée effectue marches et contre-marches et va prendre sespositions. À 9 heures, cent cinquante mille hommes sont en ligne de bataille. Une fois de plus, les deux journées qui suivront vont décider du sort de l’Empire. Un clair soleil de juillet luit maintenant et sèche les uniformes. Plus de trois cent mille soldats se trouvent face à face. Trois cent mille hommes, ainsi que le fait remarquer le capitaine de Tascher, « qui ne se haïssent point, qui peut-être s’aimeraient s’ils se connaissaient, sont resserrés dans l’espace étroit de trois lieues carrées et n’attendent que le signal pour s’entrégorger. » Le vaste mouvement de l’armée commence, un mouvement implacable que Louis Madelin compare fort justement à « une gigantesque faux emmanchée sur Masséna ».
Le plan s’exécute à merveille. Le village fortifié de Gross-Enzersdorf – une partie des vieux remparts existe toujours – est tout d’abord enlevé. Sous les rafales de l’artillerie, l’Archiduc recule. À la fin de l’après-midi, son armée est menacée d’être coupée en deux tronçons. Le centre semble vouloir craquer. L’Empereur ordonne alors aux Saxons, ayant Bernadotte à leur tête, de se lancer à l’assaut du plateau de Wagram, au pied duquel coule la Rüssbach.
Que ces mots ne nous abusent pas. Le plateau n’est qu’un fort modeste plissement de terrain, de quelques mètres seulement plus élevé que le reste de
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