Napoléon
la plaine. Si l’on n’est point prévenu, en suivant la petite route reliant Wagram à Neusiedl, et qui passe par Baumersdorf, on risque fort de ne même pas se rendre compte que l’on « domine » le cours d’un ruisseau et que l’on se trouve à « mi-pente » du célèbre « plateau »...
L’oeil à sa lunette, l’Empereur voit les Saxons progresser sans difficulté. Assurément l’affaire sera terminée avant la nuit ! Les soldats italiens commandés par Macdonald les suivent. Mais ces derniers, voyant sur la « crête » des uniformes étrangers, prennent les Saxons pour des Autrichiens et tirent !... Voilà les troupes de Bernadotte prises entre deux feux. La panique se met dans leurs rangs. Ils reculent, refluent vers les Italiens qui, croyant à une charge, font demi-tour et s’enfuient en désordre. Sous les yeux des Autrichiens éberlués devant cette subite déroute, c’est une débandade confuse qui emporte tout sur son passage, et oblige même Oudinot demeuré en pointe, à se replier pour s’aligner sur la nouvelle ligne. La journée s’achève sur cette maudite malchance.
Ce soir-là, sous sa tente dressée au milieu de la plaine au coeur d’un boqueteau, entre Raschdorf et Grosshofen – une stèle en indique l’emplacement – Napoléon laisse éclater sa colère. C’est pourtant à lui-même qu’il doit s’en prendre ! Les choses seraient même maintenant terminées, s’il avait avec lui – non pas des Saxons et des Italiens – mais l’armée de Friedland. Il a préféré les laisser tourbillonner dans l’affreux guêpier espagnol ! Il s’apaise en pensant qu’il a cependant réussi, en vingt-quatre heures, à amasser toute son armée devant Wagram. La victoire sera pour demain... À 1 heure il s’endort, mais, à 4 heures, ce jeudi 6 juillet, il est réveillé par une canonnade violente : les Autrichiens passent à l’offensive, descendent du plateau et attaquent le corps de Davout.
L’Empereur saute à cheval – un cheval gris et blanc nommé Cyrus.
Rapidement, la bataille – la bataille de Wagram cette fois – fait rage. Sur un front d’une quinzaine de kilomètres – largeur encore jamais atteinte–,onze cents pièces d’artillerie déchaînent un ouragan de fer.
— Sire, attention, on tire sur votre état-major !
— Monsieur, répond-il calmement, à la guerre, tous les accidents sont possibles.
L’extrême gauche française, tenue par Masséna – le manche de la faux – plie. Dix-huit mille hommes sont attaqués par soixante mille !
Sire, vient annoncer un aide de camp, l’ennemi longe le Danube et menace nos arrières. Toute l’artillerie de la division Boudet a été enlevée.
Pas un muscle de son visage n’a bougé.
Ainsi, les Autrichiens paraissent maintenant défendre Vienne, tandis que les Français semblent vouloir attaquer la rive gauche du Danube. Entre le le fleuve et les villages, l’armée autrichienne s’engouffre.
— Tenez bon, crie Napoléon à Masséna, la bataille est gagnée !
Certains le croient fou. L’Empereur a pourtant raison : en reculant à gauche, en attirant l’ennemi vers le Danube, il libère sa droite qui – toujours selon le plan qu’il a conçu – pourra se porter sur Wagram et opérer la trouée libératrice. Pour couper l’armée autrichienne en deux morceaux et pouvoir s’élancer vers le « plateau », l’Empereur masse sur un front de quatorze cents mètres une formidable artillerie : une centaine de pièces alignées comme à la parade. C’est la fameuse batterie de Wagram qui, en tonnant, entre dans l’épopée et fait pleuvoir sur les Autrichiens un déluge de feu. Le centre ennemi plie et, dans la poche qui commence à se creuser, la cavalerie fonce au son des trompettes. Derrière elle, l’infanterie de Macdonald, drapeaux au vent, précédée de ses tambours, s’engouffre à son tour. À gauche, Masséna a non seulement résisté, mais il a même reconduit l’attaque ennemie jusqu’au village de Breitenlee. À droite – à l’autre extrémité de la faux – Davout et Oudinot gravissent la faible pente du plateau, bousculant l’ennemi et, le premier, Davout atteint enfin Wagram.
Pendant ce temps, » écrasé de fatigue, certain de la victoire, l’Empereur s’est étendu sur une peau d’ours et, en dépit du vacarme effroyable, dort durant vingt minutes, protégé par une pyramide de tambours. De tous les côtés, les tronçons de l’armée
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