Napoléon
autrichienne se replient, poursuivis par les vainqueurs.
Le canon s’est tu maintenant. Marmont s’avance vers l’Empereur pour recevoir ses félicitations.
— Vous avez manoeuvré comme une huître, lui déclare ce dernier...
Cela ne l’empêchera pas de lui donner le 9 juillet, le bâton de maréchal, ainsi qu’à Macdonald et à Oudinot.
La nuit venue, Napoléon s’avance vers le bivouac du 2 e de ligne et se couche sur la paille.
— Sire, lui demande le caporal Martel, Votre Majesté veut-elle goûter notre soupe ?
— Est-elle trempée ?
— Oui, Sire.
— Voyons.
On lui présente une gamelle et un couvert d’argent.
— Comment, du pain blanc et un couvert d’argent, où as-tu pris cela ?
— J’ai apporté le pain du village où est l’ambulance et j’ai trouvé le couvert sur un officier tué à Gospitch.
Tandis que l’Empereur mange la soupe, le caporal découpe une volaille et la lui présente : l’Empereur en prend une cuisse, se lève, tire sept napoléons de sa poche et les donne au sous-officier qui montre les pièces à ses camarades :
— Voyez ce que Sa Majesté me donne, deux cents francs, nous les boirons à sa santé. Vive l’Empereur !
— Vive l’Empereur !
Voilà pour l’imagerie : le miracle de Wagram s’achève. Un miracle, en effet ! Il s’en est fallu de si peu que la catastrophe ne survienne ! À Essling d’abord, six semaines auparavant, puis, la veille, lors de la panique sur les flancs du plateau et, aujourd’hui encore, au moment où Masséna s’est trouvé contraint de reculer...
— Quoi ! Masséna reculerait ? s’était exclamé Napoléon.
À dix-huit mille contre soixante mille, même lorsqu’on s’appelle Masséna, ce sont là des « accidents possibles », selon l’expression de l’Empereur.
Wagram sera ainsi la dernière grande victoire du règne. Mais à quel prix ! Quelle atroce boucherie !Napoléon est sans doute victorieux, mais, de part et d’autre, plus de cinquante mille tués ou blessés graves gisent sur le champ.
L’Empereur a regagné sa tente et dort deux heures...
Pendant ce sommeil, à plusieurs centaines de lieues de Wagram, à Rome, le Pape, qui vient de se mettre au lit, est réveillé par des cris. Il entend : « Au secours ! Trahison ! » Une cloche sonne à coups précipités. Le général Radet et ses gendarmes ont reçu l’ordre d’arrêter Pie VII et essayent de pénétrer dans le Quirinal.
En apprenant l’excommunication dont le Pape l’avait frappé, l’Empereur s’était écrié :
— Je reçois à l’instant la nouvelle que le Pape nous a tous excommuniés, c’est une excommunication qu’il a portée contre lui-même. Plus de ménagement, c’est un fou furieux qu’il faut enfermer. Faites arrêter le cardinal Pacca et les autres adhérents du Pape.
Enfermer le Pape ? Mais celui-ci ne l’est-il pas déjà ? Quoi qu’il en soit, les exécutants n’hésitent point. Une hache à la main, Radet veut briser la lourde porte donnant accès au palais. Un de ses officiers a réussi à passer par une fenêtre basse et vient lui ouvrir. C’est aussitôt la ruée. Les bottes martèlent les parquets, les coups de crosses brisent les meubles. Tandis que commence le pillage, Radet demande ses ordres à Miollis, commandant les troupes françaises. Miollis répond qu’il faut faire partir de gré ou de force le chef de l’Église. Radet poursuit alors sa route et va se présenter à la porte de l’appartement du Pontife. Il lui faudra d’ailleurs frapper cette porte à coups de hache pour qu’elle s’ouvre...
— Que me voulez-vous ? demande Pie VII à Radetqui tient encore en main sa hache. Et pourquoi venez-vous à cette heure me troubler dans ma demeure ?
— Très Saint-Père, répond le gendarme, je viens au nom du gouvernement français réitérer à Votre Sainteté la proposition de renoncer officiellement à sa puissance temporelle.
— Nous ne pouvons céder, affirme avec dignité le successeur de saint Pierre, ni abandonner ce qui n’est pas à nous. Le temporel appartient à l’Église, nous n’en sommes que l’administrateur.
Radet prononce alors lentement ces mots :
— J’ai ordre d’emmener Votre Sainteté.
Il y eut un lourd silence.
— En vérité, mon fils, reprend le Pape, cette commission ne vous attirera pas les bénédictions divines. Voilà donc la récompense de ma longue condescendance envers l’Empereur et
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