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Napoléon

Napoléon

Titel: Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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renvoie à la mitraille. Le cheval de Napoléon pousse un hennissement : il est touché. Un cri part des rangs :
    — A bas les armes si l’Empereur ne se retire pas sur-le-champ !
    L’Empereur obéit – mais il revient quelques instants plus tard, pour se retrouver près du petit pont maintenant rétabli et par lequel la retraite s’effectue en bon ordre. On laissera hélas, sur la rive gauche, seize mille morts – près d’un combattant sur deux ! L’Archiduc, bien qu’il ait perdu vingt-sept mille hommes, n’en est pas moins vainqueur puisqu’il occupe les mêmes positions qu’avant la bataille.
    Soudain Napoléon blêmit : il voit, couché sur un brancard, Lannes, grièvement blessé par un boulet qui lui a broyé les deux jambes. L’Empereur descend de cheval, fait poser la civière, se précipite, se met à genoux et embrasse son vieux compagnon en fondant en larmes :
    — Montebello, me reconnais-tu ?
    — Oui, Sire, vous perdez votre meilleur ami.
    — Non, non, tu vivras !
    Lorsqu’il se relève, son gilet est taché du sang de son ami.
    — Ah ! ils me le paieront cher, dira-t-il, tandis que,la retraite achevée par Masséna, l’Empereur regagnera en bateau la rive droite du Danube.
    Il demeure silencieux durant toute la traversée, se tenant debout et à l’écart sur le devant de l’embarcation. La nuit est sombre, on n’entend que le bruit des avirons frapper l’eau en cadence. Les quelques officiers qui franchissent le fleuve avec l’Empereur respectent sa douleur et n’osent échanger quelques mots qu’à voix basse.
    Lannes va mourir... et l’armée tout entière, ou plutôt les survivants de la tuerie d’Aspern et d’Essling demeurent dans l’île. On commence à voir s’allumer les feux des bivouacs – de ces bivouacs où règne la tristesse.
    Arrivé sur la rive droite, l’Empereur prend le bras de Savary, et s’appuyant très lourdement sur lui, il se dirige par un chemin creux et ombragé vers la maison du village de Kaiser-Ebersdorf où son quartier général a de nouveau été établi.
    Le lendemain matin, sa première pensée sera d’envoyer vers l’île Lobau une barque, afin de faire transporter le maréchal Lannes à Kaiser-Ebersdorf, au premier étage d’une misérable maison en briques qui existe toujours, dans le fond de la Mailergasse. Larrey a coupé l’une des jambes du blessé, puis doit amputer la seconde et, durant quelques jours, on espère sauver le grand soldat, mais dans la nuit du 27 au 28 mai, la chaleur aidant, la gangrène se déclare, et le délire envahit le cerveau du blessé.
    Napoléon accourt du château voisin où il s’est installé pour une quinzaine de jours.
    — Je n’ai pas besoin de te recommander ma femme et mes enfants, lui déclare le maréchal, puisque je meurs pour toi ; ta gloire t’ordonne de les protéger.
    Puis, Lannes adresse à l’Empereur de violents reproches que nous rapporte Constant. Certains historiens ont mis ces paroles en doute – Bien qu’elles aient été également transcrites par Cadet de Gassicourt – mais nous venons d’en avoir la confirmation par la correspondance inédite adressée par Metternich à sa maîtresse, la duchesse Wilhelmine deSagan, et qui a seulement été publiée à Vienne en 1967.
    — Lannes a crié après moi, a raconté l’Empereur au ministre autrichien. Je me suis dit sur-le-champ Lannes est donc un homme mort, car il crie après moi comme un impie après le bon Dieu, sans qu’il y eût cru pendant sa vie.
    « Il y a quelque chose de très vrai dans ce mot », ajoutait Metternich. Mais quelles avaient été au juste les paroles de Lannes ?
    — Tu viens de faire une grande faute, et, quoiqu’elle te prive de ton meilleur ami, elle ne te corrigera pas : ton ambition est insatiable ; elle te perdra ; tu sacrifies sans ménagement, sans nécessité, les hommes qui te servent le mieux, et quand ils meurent, tu ne les regrettes pas. Tu n’as autour de toi que des flatteurs ; je ne vois pas un ami qui ose te dire la vérité. On te trahira, on t’abandonnera ; hâte-toi de finir cette guerre ; c’est le voeu général. Tu ne seras jamais plus puissant ; mais tu peux être bien plus aimé. Pardonne ces vérités à un mourant... ce mourant te chérit...
    Napoléon aurait encore déclaré à Metternich :
    — Cet homme était mon plus grand ennemi.
    Cette confidence paraît peu croyable. Jean Thiry, qui connaît mieux que personne

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