Napoléon
lutter... Nous devons donc, dès la signature de la paix, nous limiter à une politique de louvoiement, flatter, céder le pas. Ainsi seulement nous aurons des chances de prolonger notre existence jusqu’au jour du règlement, c’est-à-dire de la délivrance générale. »
François suit les conseils de son ministre et accepte de signer le terrible traité de Vienne. La Bavière reçoit le pays de Salzbourg, le duché de Varsovie se voit agrandi de la Galicie du nord. Le tsar, combattant honoraire et qui n’a rien fait, touche, en guise de pourboire, quatre cent mille Galiciens – il s’estime lésé d’ailleurs et se montre furieux de voir le duché de Varsovie s’arrondir. Il ne faudrait pas lepousser beaucoup pour qu’il dise que l’arrondissement se fait à ses dépens ! L’Autriche abandonne ainsi trois cent mille kilomètres carrés et trois millions cinq cent mille âmes. Trieste, la Carniole, une partie de la Carinthie, de la Croatie, l’Istrie, Fiume sont réunis à l’Empire français et forment avec la Dalmatie, enlevée dès 1805 à l’Autriche, les provinces françaises illyriennes. François I er perd ainsi toute sa façade sur l’Adriatique. « Nous avons l’ambition de la Méditerranée, explique Napoléon ; nous avons l’ambition de maintenir l’indépendance de la Turquie. »
L’Empereur pensait que ces conditions effroyables, jointes à l’arrestation du Pape, allaient museler l’Europe.
Il n’en fut rien.
Wagram n’empêche pas les Anglais de débarquer quarante-cinq mille hommes à l’embouchure de l’Escaut, dans l’île hollandaise de Walcheren. Fouché – désapprouvé par le Conseil, mais félicité par l’Empereur – envoie une circulaire aux préfets des quinze départements du nord-est, leur enjoignant de lancer leurs Gardes nationaux contre l’envahisseur. « Monsieur Fouché, écrit Napoléon à Clarke, ministre de la Guerre, s’est mis en mesure de faire ce que vous ne faisiez pas vous-même. » Bessières, avec quarante mille hommes, a d’ailleurs été aussitôt envoyé vers l’île de Walcheren où le corps expéditionnaire anglais se trouve bloqué. Assiégés par les Français et par les fièvres – quinze mille hommes sont morts–,les Britanniques n’ont plus qu’à rembarquer.
Quelque temps plus tard, Napoléon dictera cette note : « On est confondu, à Londres, du mouvement qui vient de se manifester en France. La levée des Gardes nationales a d’autant plus étonné les Anglais qu’ils disaient et publiaient partout que notre Empereur n’avait de force que dans ses armées,, qu’il avait épuisé le reste du phlogistique de la Révolution. Nous avons donné un démenti à leurs calomnies et nous avons prouvé que l’Empereur avait la France entière pour armée. »
L’Empereur s’illusionnait.
Ce nouvel échec allié ne devait point retirer la confiance de l’ennemi en l’avenir. Tous les vaincus de ces dernières années, s’armant de patience, allaient attendre l’inévitable hallali et « la fin de tout ceci », comme le dira un jour Talleyrand. La bataille de Wagram – répétons le mot – n’avait-elle pas été une manière de miracle ? Le Portugal n’était-il point perdu et les affaires d’Espagne n’allaient-elles pas de plus en plus mal ? Quant aux souverains super-préfets, à la grande joie de l’Europe, ils se prenaient chaque jour un peu plus pour de vrais rois et ruaient dans les brancards. Napoléon reprochait, le plus sérieusement du monde, à Louis d’être devenu Hollandais – il refusait d’appliquer le blocus – et à Joseph de s’être transformé en Espagnol.
— La majesté en Espagne doit être tout espagnole, répétait don José primero.
Jérôme, au lendemain de Wagram, avait regagné Cassel, après s’être fait battre par le général autrichien Kienmeyer. Il se montrait, au surplus, furieux que son frère n’ait pas cru devoir placer Junot sous ses ordres. Aussi, Napoléon lui avait-il écrit, non sans raison : « Vous faites la guerre comme un satrape. Cessez d’être ridicule... Sachez bien que, soldat, je n’ai pas de frère, et que vous ne me cacherez pas les motifs de votre conduite sous des prétextes futiles ou ridicules. Je crains fort qu’il n’y ait rien à attendre de vous. »
Il n’est pas jusqu’à Élisa, princesse de Lucques, qui, le 17 août, ne se fasse tancer impérialement en ces termes : « Vous êtes sujette, et comme tous les
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