Napoléon
l’Église gallicane ? Mais peut-être à cet égard ai-je été coupable devant Dieu et c’est lui qui veut me punir : je me soumets avec humilité. Dois-je partir seul ? Quand on ne tient pas à la vie, on tient encore moins à ses biens.
On ne laisse même point au Saint-Père le temps d’aller chercher son bréviaire et, quelques minutes plus tard, Radet fait monter son prisonnier en voiture. Premier tour de roue vers la captivité...
Napoléon, en dépit de l’ordre qu’il a lancé, désapprouvera. « C’est une grande folie », écrira-t-il à Fouché.
Ce vendredi 7 juillet, à l’heure même où Pie VII roule vers sa prison de Savone, l’Empereur parcourt le champ de bataille du Danube à Wagram. Ici même, il a bien failli être battu, alors qu’il avait tout prévu ! Une longue plainte monte de la plaine. On enlève des milliers de blessés – ceux qui n’ont pas expiré durant la nuit – et l’on enterre les morts.
Des chevaux, une jambe emportée, suivent en sautillant et supplient, par leurs longs hennissements, que l’on vienne les secourir... La vision est atroce. L’Empereur pense à Lasalle, frappé à la fin de la bataille, d’une balle entre les deux yeux. Lasalle à qui il avait dit, le soir de Rivoli, alors que, titubant de fatigue, l’étonnant cavalier lui apportait une brassée de drapeaux :
— Couche-toi dessus, tu l’as bien mérité !
Se souvient-il ce matin-là de la prière de l’un de ses plus anciens compagnons, se souvient-il de Lannes, le suppliant, avant de mourir : « Faites la paix, Sire ». Lorsque Napoléon rejoint l’armée, devant Znaïm où l’on se bat de nouveau, il croit que tout va recommencer. Masséna a manqué d’être tué, le général Bruyères est grièvement blessé. L’Archiduc en retraite a encore avec lui quatre-vingt mille combattants à opposer aux forces françaises affaiblies. Se rappelant son ancien métier, l’Empereur pointe lui-même une pièce dont le boulet tombe au milieu d’une batterie autrichienne. Les deux armées, toutes deux à bout de souffle, se trouvent de nouveau face à face.
Un violent orage s’achève lorsque le prince Jean de Lichtenstein, envoyé par l’Archiduc, vient demander une suspension d’armes.
— Qu’ils attendent ! lance Napoléon.
Devant la tente de l’Empereur, ses lieutenants lui proposent de continuer la poursuite. Davout, qui arrive à l’instant sur le champ de bataille, voudrait mettre l’Autriche définitivement à genoux. Mais l’Empereur n’a nulle envie de rejeter l’Archiduc vers la Bohême et la Moravie. Il s’exclame :
— Non, assez de sang versé !
Il fait appeler les plénipotentiaires. Au début de l’entretien, les exigences de Napoléon paraissent effroyables. « Il ne parla, racontera Jean de Lichtenstein, que de partager la Monarchie, de l’établissement de plusieurs États indépendants formés de ses débris, enfin de l’abdication de l’empereur François comme la seule condition préalable à l’armistice. » En somme, le plan qui dépècera, au lendemain de la guerre de1914, la mosaïque autrichienne. Finalement, après avoir ainsi épouvanté ses interlocuteurs, l’Empereur réduit ses exigences.
Pendant les longues négociations – Napoléon va demeurer trois mois à Schoenbrunn–,François I er essayera de lutter. Atterré, il considère avec raison que Wagram n’est pas Austerlitz. Napoléon, au contraire, en se montrant plus intransigeant en 1809 qu’en 1805, veut faire croire à l’Europe qu’il a mis l’Autriche encore bien davantage sous le boisseau et menace le vaincu de le forcer à abdiquer. Il l’écrit à Champagny : « Vous pouvez dire à M. de Metternich que si l’Empereur veut abdiquer en faveur du grand-duc de Würtzbourg, je livrerai le pays tel qu’il est, avec son indépendance actuelle, et je ferai une alliance avec lui qui permettra de fixer les affaires du Continent. »
Si François veut conserver son trône – et ne pas se sacrifier pour l’Autriche – il lui faudra s’incliner. Metternich, d’ailleurs, le lui conseille – le ministre aimerait bien prendre la place du tsar dans l’amitié française : « Quelles que soient finalement les conditions de la paix, écrit-il, le résultat sera toujours le même, nous ne trouverons notre sécurité que dans notre adaptation au système français triomphant... Mes principes sont immuables, mais contre la nécessité nul ne peut
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