Napoléon
maintes reprises que vous ne m’obligeriez pas à me marier contre ma volonté et, depuis que je suis à Ofen, j’ai eu l’occasion de rencontrer l’archiduc François. Je trouve en lui toutes les qualités nécessaires pour me rendre heureuse. »
Sans doute l’empereur François fait-il comprendre à sa fille que les archiduchesses n’ont pas à écouter les battements de leur coeur et que les Jugendlieben – même avec un cousin archiduc – ne leur sont point permis... Aussi, lorsque Metternich, quelque peu gêné, on le conçoit, vient demander à Marie-Louise son consentement à l’extravagant projet dont il s’est fait le champion, la jeune fille répond avec noblesse :
— Je ne veux que ce que mon devoir me commande de vouloir. Quand il s’agit de l’intérêt de l’Etat, c’est à lui que je dois me conformer et non pas à mon sentiment. Priez mon père de consulter ses devoirs d’empereur et de ne pas les soumettre à la considération de l’intérêt de ma personne.
Metternich conclut aussitôt « l’affaire » en écrivant à Schwarzenberg :
— Nous sommes loin de nous faire illusion sur la très grande distance qu’il y a, du mariage avec une princesse autrichienne à l’abandon du système de conquêtes de l’empereur Napoléon ; mais nous ne désespérons pas de mettre à profit les moments de repos qui, nécessairement, doivent naître pour nous, afin de consolider notre politique intérieure et pour tempérer les vues de l’empereur des Français...
C’est Berthier, prince de Wagram, qui est désigné par Napoléon pour prendre la route de Vienne, afin d’adresser la demande officielle à l’empereur François... On lui recommande toutefois de ne faire usage que de son titre de prince de Neuchâtel ! On nage en plein délire. L’archiduc Charles – le vainqueur d’As-pern – représentera Napoléon et conduira sa nièce à l’autel pour la célébration du mariage par procuration !
— L’Autriche, ainsi que s’exclame le prince de Ligne, fait au Minotaure présent d’une belle génisse !
Et les Viennois ? Certains prennent la chose avec philosophie.
— Il vaut mieux, affirment-ils, voir une archiduchesse f..., plutôt que la monarchie.
Mais des esprits plus graves affirment qu’on va assister à une consommation d’adultère et à la bénédiction d’une bigamie. Napoléon n’est-il pas, devant Dieu, toujours uni à Joséphine ? Le cardinal Fesch n’avait-il pas béni leur union, à la veille du Sacre ? Metternich avait alors écrit à l’ambassadeur d’Autriche à Paris : « Sa Majesté – l’empereur François – ne donnera jamais son consentement à un mariage qui ïie serait pas conforme aux préceptes de notre religion. »
Cambacérès fut chargé de régler cet épineux problème. Après avoir convoqué le ministre des cultes, les deux officiaux de l’archevêché de Paris et les promoteurs métropolitains et diocésains, il leur avait tenu ce langage :
— L’Empereur ne peut espérer d’enfant de l’impératrice Joséphine. Cependant, il ne peut, en fondant une nouvelle dynastie, renoncer à l’espoir de laisser un héritier qui assure la tranquillité, la gloire et l’intégrité de l’Empire qu’il vient de fonder. Il est dans l’intention de se remarier, et veut épouser une catholique ; mais, auparavant, son mariage avec l’impératrice Joséphine doit être annulé, et mon intention est de le soumettre à l’examen et à la décision de l’Officialité.
Seul, rappelons-le, le Pape se trouvait habilité pour désunir les unions royales. Aussi, l’un des ecclésiastiques fit-il fort justement remarquer :
— Cette cause est une de celles qui sont réservées, sinon de droit, au moins de fait au Souverain Pontife.
— Je ne suis pas, riposte froidement l’archichancelier, autorisé à recourir à Rome.
— Il n’est pas besoin de recourir à Rome pour avoir la décision du Pape ; Sa Sainteté est à Savone.
Il y eut un froid...
— Je ne suis pas non plus chargé de traiter avec le Pape, réplique Cambacérès, dans les circonstances actuelles, cela est impossible !
Bref, l’Officialité de Paris, de gré ou de force, puisque Pie VII était prisonnier, devait s’incliner et s’occuper de l’affaire. Mais quels prétextes invoquaient l’Empereur et l’Impératrice pour demander l’annulation de leur mariage ? Cambacérès, pour éclairer ses interlocuteurs récalcitrants, lut le
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