Napoléon
à César. Ce n’est pas le Pape qui est César, c’est moi...
On n’en sortait point ! Pie VII refuse de donner l’investiture tant qu’il ne sera pas libre ; quant à Napoléon, il résume sa position en ces termes.
— Je veux que la dignité de mon trône et l’indépendance de la nation ne puissent être compromises par mes relations avec le Pape. Des évêchés sont devenus vacants, j’ai usé de la forme ordinaire de mon droit de nomination... Le Pape refuse obstinément de donner l’institution canonique... Il ne s’est pas borné à des injures, il m’a excommunié, moi, mes ministres, toutes les personnes employées dans mon gouvernement. Des bulles séditieuses ont circulé dans l’Empire... Un tel état de choses ne saurait se prolonger...
La circulation en France et en Italie de ces bulles – entre autres celle de l’excommunication – expose le captif à des perquisitions qui n’épargnent même pas sa chambre ! Les agents de l’Empereur crochètent les serrures, ouvrent placards ou tiroirs, retournent les poches des vêtements et emportent jusqu’aux missels du Pape.
Pie VII, harcelé par une délégation de cardinaux envoyée à Savone, ses facultés diminuées, faillit signer un arrangement : les évêques seraient institués par une bulle papale dans un délai de six mois. Passé ce temps, le pouvoir d’institution serait donné aux métropolitains des églises vacantes. Mais, au dernier moment, Pie VII se rétracte : il se croit engagé sur la voie de l’hérésie !
Le 17 juin 1811, une semaine après le baptême du roi de Rome, les grandes orgues de Notre-Dame résonnent à nouveau sous les voûtes. Une procession composée de six cardinaux, de huit archevêques et de quatre-vingt-un évêques entre dans l’église. C’est l’ouverture du concile qui va essayer de résoudre le conflit entre le Pape et l’Empereur. Les pères conciliaires n’en prennent pas le chemin en prononçant, sans tarder davantage – et l’un après l’autre – ce serment, traditionnel peut-être, mais qui, étant donné les circonstances, revêt l’aspect d’une prise de position contre Napoléon :
« Je reconnais la sainte Église catholique, apostolique et romaine, mère et maîtresse de toutes les autres églises ; je promets et je jure obéissance au Pontife romain, successeur de saint Pierre et vicaire de Jésus-Christ. » On devine la fureur de Napoléon :
— Messieurs, vous voulez me traiter comme sij’étais Louis le Débonnaire. Ne confondez pas le fils avec le père. Vous voyez en moi Charlemagne. Je suis Charlemagne, moi... Oui, je suis Charlemagne !
Une manière de goût du martyre a saisi les Pères membres du concile et leur fait approuver la proposition de l’évêque de Cambrai :
— Que faisons-nous, évêques catholiques, sans pouvoir communiquer avec notre chef ? Il faut qu’à la première députation du Concile à l’Empereur, la liberté du Saint-Père soit demandée par nous. C’est notre devoir. Nous le devons à nos diocèses, à tous les catholiques de l’Empire et de l’Europe. Jetons-nous aux pieds du souverain pour obtenir cette délivrance !
Fesch a toutes les peines du monde à démontrer à ses collègues que, après une telle démarche, le Concile serait assurément dissous. On se contente donc de voter une Adresse qui déclenche chez Napoléon une telle colère qu’on l’entend riposter :
— Je ne veux plus de concordat !
On parvient à le calmer et l’Empereur envoie aux Pères conciliaires un projet de décret rappelant que, conformément au Concordat, il nommera des évêques à tous les sièges vacants. Si, dans les six mois suivant cette nomination, le Pape n’avait pas donné l’institution canonique, « le métropolitain se trouverait investi par la concession même faite par le Pape et devrait procéder à l’institution canonique et à la consécration ». Le dernier paragraphe spécifiait « que Sa Majesté serait suppliée par le Concile de permettre à une commission d’évêques de se rendre auprès du Pape pour le remercier d’avoir, par cette concession, mis un terme aux maux de l’Église ».
Les membres de l’opposition estiment avec raison que les prélats ne peuvent signer semblable décret sans le soumettre d’abord au Pape.
— Puisqu’il en est ainsi, annonce Napoléon, je dissoudrai le Concile.
Le 10 juillet, c’est chose faite et l’Empereur – on croit rêver ! – fait
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