Napoléon
face de lui, sur la rive droite de l’Aisne, Blücher, Bülow, Winzingerode sont à la tête de cent quatorze mille hommes, et il n’en a même pas quarante mille ! De plus il ne peut être présent partout à la fois, et, il le sait bien maintenant : là où il ne se tiendra pas à la tête de l’armée, les troupes impériales, seront battues.
Le dimanche 6 mars, après avoir quitté le presbytère de Berry-au-Bac, où il a cherché en vain le sommeil, il traverse l’Aisne et, sur la route gelée, marche sur Laon. Il pense ainsi devancer Blücher et le battre sur le champ de bataille choisi par lui. Mais le feld-maréchal, au lendemain de la prise de Soissons, a vu ses forces augmentées des dix-huit mille Russes de Wintzingerode. Déconcerté par le mouvement de Napoléon, le Prussien modifie le dispositif de ses troupes et décide d’occuper le plateau de Craonne afin de menacer le flanc de l’armée napoléonienne. Le soir, rentré dans sa chambre de V ÉCU de France, à Corbeny, l’Empereur se penche sur ses cartes et, longuement, travaille... afin de préparer le combat du lendemain : celui de Craonne.
Selon la Correspondance de Napoléon et le Moniteur, la bataille fut une victoire décisive. S’il faut en croire Thiers, trente mille Français enlevèrent la position inexpugnable tenue par les cinquante mille hommes de Voronzoff, de Sacken et de Langeron. Pour les historiens russes, il s’agit « d’un éclatant triomphe » remporté par les troupes du tsar, qui n’étaient que quinze mille contre trente mille. En réalité, les combattants étaient sensiblement de même force : vingt mille Français en face de vingt-deux mille cinq cents Austro-Russes.
Quoi qu’il en soit, Napoléon demeure maître du plateau – de ce plateau où gisent fraternellement mêlés dans la mort cinq mille quatre cents Français et cinq mille ennemis –, mais c’est là une victoire à la Pyrrhus, et nullement définitive.
À l’aube du mardi 8 mars, à Bray-en-Laonnais, l’empereur, fatigué, dégoûté de la guerre, reçoit de Châtillon une dépêche de Caulaincourt « Plus je considère ce qui se passe, plus je suis convaincu que si nous ne remettons pas le contre-projet demandé et qu’il ne contienne pas des modifications aux bases de Francfort, tout est fini. On ne veut qu’un prétexte pour rompre. »
— S’il faut recevoir les étrivières, s’exclame l’Empereur, ce n’est pas à moi de m’y prêter, et c’est bien le moins qu’on me fasse violence.
Nouvelle bataille le mercredi 9 mars : celle de Laon. Il a neigé toute la nuit et, le matin, le brouillard forme un épais rideau. Blücher, qui est arrivé dans la ville, attend Napoléon et veut prendre sa revanche. Il y parvient. Les Français ne peuvent pas plus enlever la place ce jour-là que le lendemain.
Le jeudi 10 mars, le délai de dix jours fixé par les Alliés étant passé, le Congrès reprend. Napoléon, après la bataille de Craonne, estime n’avoir pas de concessions à faire et, à Châtillon, Caulaincourt se présente les mains vides devant les Alliés. Il s’en tire en énonçant des généralités. Pourquoi revenir à 1789 ?
— L’Europe, explique-t-il, ne ressemble plus à ce qu’elle était il y a vingt ans.
Il ne parvient à obtenir que trois jours de répit.
Dans l’après-midi de ce jeudi, l’Empereur apprend que Soissons a été repris ; il décide d’abandonner la bataille de Laon pour, se réfugier dans la ville reconquise. Partout ailleurs les armées impériales rétrogradent ! Les Pyrénées ont été franchies par les Anglo-Espagnols.
Le surlendemain, 12 mars, à Bordeaux, le maire de la ville, le comte de Lynch qui, le mois précédent, avait déclaré : « Napoléon a tout fait pour la France, la France fera tout pour Napoléon », prend la tête du Conseil municipal et offre la ville au duc d’Angoulême, à la remorque de l’armée britannique dont il porte même l’uniforme. Le neveu de Louis XVIII est imposé aux vainqueurs par les vaincus, et Lynch proclame solennellement la royauté.
Ce même jour, à l’évêché de Soissons, l’Empereur réorganise l’armée. Il ne sait trop ce qu’il va faire, lorsqu’il apprend que Reims a été pris par les forces du tsar. Aussitôt, il donne l’ordre aux troupes disponibles de se porter sur la ville.
Les Russes du comte de Saint-Priest qui occupent Reims sont quinze mille, les forces françaises atteignent à peine huit
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