Napoléon
mille hommes.
— De quel côté, demande un officier russe à Saint-Priest, nous replierons nous, si Napoléon commande les assaillants ?
— Eh ! monsieur, pourquoi songer à nous retirer, répond l’émigré français, puisque nous pourrions nous faire tuer ?
Reims est réoccupé. C’est un succès complet, le dernier scintillement de l’étoile impériale. Napoléon entre dans la ville peu après minuit et va loger chez le sieur Ponsardin, à l’angle de la rue de Vesle {28} . Dès qu’ils ont appris l’arrivée de l’Empereur, les habitants illuminent. « Ce n’étaient que lumières, nous raconte Coignet, on aurait pu ramasser une aiguille... »
Découragées par la reprise de Soissons et la victoire de Reims, les troupes coalisées qui étaient de nouveau passées à l’offensive, s’arrêtent partout. Voilà Blücher et Schwarzenberg immobilisés. Assurément, de Reims, Napoléon va rejoindre les garnisons de ses places fortes. Langeron, chef de corps, de l’armée de Silésie, le racontera : « Ce terrible Napoléon, on croyait le voir partout. Il nous avait tous battus, les uns après les autres ; nous craignions toujours l’audace de ses entreprises, la rapidité de ses marches et ses combinaisons savantes. A peine avait-on conçu un plan qu’il était déjoué par lui. »
Durant les deux journées qu’il passe à Reims, l’Empereur apprend l’esprit défaitiste qui continue à régner dans la capitale et écrit à son ministre : « Vous ne m’apprenez rien de ce qui se fait à Paris. Il y est question d’adresse, de régence et de mille intrigues aussi plates qu’absurdes. Qu’ils sachent bien que je suis aujourd’hui le même homme que j’étais à Wagram et à Austerlitz ; que je ne veux dans l’État aucune intrigue ; qu’il n’y a point d’autre autorité que la mienne ! »
Napoléon quitte Reims le jeudi 17 mars avec vingt-trois mille hommes pour aller attaquer les cent mille soldats de Schwarzenberg difficilement contenus par les trente mille hommes de Macdonald. La jonction opérée, les Français seront à un contre deux ! La disproportion n’est pas si terrible puisque l’Empereur aime toujours à répéter :
— Cinquante mille hommes et moi, cela fait cent cinquante mille !
Le soir, à Épernay, pas un soldat français qui ne bût du vin de Champagne. Napoléon abandonne pour un soir son Chambertin, puisqu’il loge chez le maire, M. Moët...
L’Empereur a enfin écrit à Caulaincourt « qu’il l’autorisait à faire les concessions indispensables pour éviter la rupture des pourparlers ». C’est trop tard ! À Châtillon, le grand-écuyer se présente pour la dernière fois devant les représentants ennemis. On lui lance à la figure :
— Les puissances alliées regardent les négociations entamées à Châtillon comme terminées par le gouvernement français.
Cependant, en apprenant, le 18 mars, la marche de Napoléon sur l’Aube, les Alliés, en dépit de leur supériorité numérique, sont en proie à une véritable panique. Certains généraux envisagent déjà la retraite. De tous les côtés, les ordres partent pour essayer de concentrer les forces... vers l’arrière des lignes qui ont été atteintes.
Puisque Schwarzenberg, toujours peureux et versatile, se dérobe – il a effectué un repli précipité – l’Empereur est persuadé qu’il va pouvoir « se porter en toute hâte sur ses places ».
Napoléon a commis une faute en venant « côtoyer », comme le dit Louis Madelin, le flanc de Schwarzenberg, et s’exposer ainsi à ses coups. C’est à Arcis-sur-Aube que le feld-maréchal autrichien arrête son recul. C’est la peur suprême qui va le sauver. Un « prurit d’énergie » a-t-on dit... Ses forces – cent mille coalisés – se trouvent, un peu par hasard, concentrées autour de lui. Il décide d’attaquer Napoléon, puisque l’Empereur n’a plus avec lui que vingt-trois mille hommes.
Sébastiani, suivi seulement de deux escadrons, galope, en mission de reconnaissance, sur la route de Troyes et, avec stupeur, tombe sur la terrible masse des cosaques de Kaizarov et les cinquante-six escadrons de Frimont qui progressent vers les avant-postes français.
Ce dimanche 20 mars, l’Empereur est à Torcy-le— Grand lorsqu’il entend une violente canonnade du côté d’Arcis. Il part au grand trot et tombe en pleine bataille. Le vent de la défaite souffle déjà... L’épée à la main,
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