Napoléon
poussé par l’admiration qu’il porte à son ex-oncle par alliance, construisit juste au-dessous de la maison de l’Empereur, et semblant la supporter de son toit en terrasse, un abominable musée de près de soixante-dix mètres de façade, qui supprima la plus grande partie du jardin de Napoléon. Cependant la maison d’été du proscrit – ocre rouge et jaune aux volets café au lait – subsiste. Contrairement aux Mulini aucune tristesse n’émane d’elle. L’Empereur possédait là, au premier étage – au rez-de-chaussée du côté de la montagne – un délicieux appartement privé de trois pièces – antichambre, cabinet de travail, chambre à coucher. Celle-ci est ornée de peintures bleues et roses représentant en trompe-l’oeil – comme toujours – des draperies agrémentées de feuilles de vigne et de bouquets de fleurs. Le plafond est décoré d’abeilles et de légions d’honneur. Dans le bureau, une trappe permet de descendre vers la salle de bains située au rez-de-chaussée – côté jardin. Au-dessus de la baignoire, Napoléon a fait peindre une jeune femme nue qui donne l’impression de s’être échappée d’une maison close de Pompéi. Elle représente, paraît-il, la vérité se regardant dans un miroir.
Ici aussi, on a pensé à l’apparat. Pour le grand salon pavé de marbre, une décoration évidemment en trompe-l’oeil, oeuvre du sieur Ravelli, rappelle assez médiocrement le Nil, le désert, les chameaux, les colonnes de Thèbes et les hiéroglyphes. Au centre, à la demande de Napoléon a été agencé « un bassin octogone avec un petit jeu d’eau, selon l’usage d’Égypte ». Le plafond de la salle du Conseil imite le ciel. Deux colombes tenant chacune dans leur bec le bout d’un ruban, « dont le noeud se resserre au fur et à mesure qu’elles s’éloignent », représentent symboliquement Napoléon et Marie-Louise séparés par les circonstances...
Joséphine revenue à Malmaison. – et plus perspicace alors que Napoléon – sentait-elle que celle qui l’avait remplacée dans le lit conjugal ne partirait point pour l’île d’Elbe ? Il faut du moins le supposer lorsqu’on lit cette lettre qu’elle aurait adressée à son ex-mari : « Si j’apprends que, contre toute apparence, je suis la seule qui veuille remplir son devoir, rien ne me retiendra, et j’irai au seul lieu où puisse être désormais pour moi le bonheur, puisque je pourrai vous consoler lorsque vous êtes isolé et malheureux. Dites un mot et je pars. » Mais cette lettre est-elle authentique ? Au mois de mai 1814, la « trahison » de Marie-Louise à laquelle ces lignes semblent faire allusion – l’oubli du « devoir » – se trouvait encore loin de la pensée de la molle archiduchesse – nous le savons par ses lettres. Après quelques semaines passées près de son père, elle avait bien l’intention de partir pour l’île d’Elbe : « Je suis contente que tu t’y trouves bien et que tu songes à faire bâtir une jolie maison de campagne, lui écrivait-elle. Je te demande de m’y réserver un petit logement, car tu sais que je compte toujours bien venir te voir le plus tôt que je pourrai, et je fais des voeux pour que cela soit bientôt. » Et Napoléon préparait « le petit logement » demandé et destiné à sa femme. En ce mois de mai 1814 il n’avait encore rien à lui reprocher.
Par contre – et nous le savons par une note marginale de la main de Marchand –, l’Empereur avait été peiné en apprenant que Joséphine avait reçu le tsar à Malmaison. Ignorant alors l’insistance mise par Alexandre pour être admis près de l’ex-impératrice, oubliant qu’il avait lui-même autrefois accueilli à sa table les souverains qu’il avait vaincus, il trouvait qu’il eût été plus convenable de « s’associer à son adversité ».
Il n’en fut pas moins bouleversé en apprenant, un matin de juin, la mort de « l’incomparable Joséphine ». Il s’enferma dans sa chambre et ne voulut voir Bertrand que quelques instants. On l’entendit murmurer :
— Ah ! elle est bien heureuse maintenant. Et il caressa sa chaîne de montre faite avec des cheveux de sa chère créole...
XXIV
« AH ! QUE MON ILE EST PETITE !... »
Dans la position où je suis, je ne trouve de noblesse que dans la canaille que j’ai négligée, et die canaille que dans la noblesse que j’ai faite.
N APOLÉON .
L E 25 août, l’Empereur installe sa
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