Napoléon
Napoléon habita parfois, sans penser qu’en songeant à ce logement il avait dicté un jour, sans sourire, cet ordre extravagant : « Mon intention est de nommer le maire de Porto-Longone commandant de mon palais dans cette ville. Il fera les fonctions de commandant, de concierge, de conservateur du garde-meuble et de surveillant des jardins. »
C’est là » une semaine plus tard, que l’Empereur sera tranquillisé : Marie et son fils sont arrivés sains et saufs sur le continent.
Tout ce complot, toutes ces précautions prises pour dissimuler la venue de Mme Walewska étaient bien inutiles : le soir où Marie arrivait à la Madona-del-Monte, Marie-Louise avait donné, depuis la veille, sa « parole d’honneur » à son père de ne pas rejoindre son mari !
Lui comptait toujours sur sa venue. La commande du plafond de la salle du Conseil de San Martino en est la preuve. Cependant, avant son départ pour l’île d’Elbe, Napoléon avait témoigné peu d’enthousiasme pour associer sa femme à son infortune.
— N’insistez pas pour qu’elle me rejoigne, avait-il dit à Caulaincourt ; je l’aime mieux à Florence qu’à l’île d’Elbe si elle y apportait un visage contrarié. Je n’ai plus de trône, il n’y a plus d’illusions. César peut se contenter d’être un citoyen ! il peut en coûter à sa jeune épouse de ne plus être la femme de César ! À l’âge de l’Impératrice, il faut encore des hochets. Si elle ne met pas elle-même sa gloire dans le dévouement qu’elle me montrera, mieux vaut ne pas la presser.
En découvrant la simplicité de sa résidence – pour ne pas dire sa misère – Napoléon s’est senti peut-être encore plus gêné à la pensée que « la femme de César » puisse venir s’installer aux Mulini. Aussi s’était-il seulement contenté de lui écrire : « Je suis arrivé à l’île d’Elbe qui est très jolie. Les logements sont médiocres ; je vais en faire arranger en peu de semaines. Je n’ai pas de nouvelles de toi. C’est ma peine de tous les jours. Ma santé est bonne. Adieu, mon amie, tu es loin de moi, mais mon idée est avec ma Louise. Un tendre baiser à mon fils. »
Partie pour Vienne, Marie-Louise n’en conserve pas moins l’intention d’aller rejoindre l’Empereur dans son « île du Repos » : « Je me console avec l’idée que tu penses quelquefois à moi, lui écrit-elle, mais ne devrais-je pas désirer [que tu puisses] m’oublier ; tu n’aurais pas d’inquiétudes tandis que moi, tourmentée, t’aimant plus tendrement que jamais, je passe des journées entières à me désespérer de ne pas te voir... »
Toutefois, Marie-Louise ayant projeté d’aller prendre les eaux à Aix-les-Bains « chez Louis XVIII », Napoléon s’inquiète et s’insurge : « Je pense que tu dois le plus tôt possible venir en Toscane, où il y a des eaux aussi bonnes et de même nature que celles d’Aix en Savoie. Cela aura tous les avantages. Je recevrai plus souvent de tes nouvelles, tu seras plus près de Parme, tu pourras avoir ton fils avec toi et tu ne donneras d’inquiétude à personne... »
Mais Napoléon ne demande toujours pas à sa femme de s’embarquer pour Porto-Ferrajo. Il va la livrer ainsi lui-même – sans le savoir – au général Neipperg qui doit accompagner aux eaux « la duchesse de Colorno », autrement dit l’ex-impératrice, et a reçu de Metternich des ordres précis : « Le comte de Neipperg tâchera de détourner la duchesse de Colorno, avec tout le tact nécessaire, de toute idée d’un voyage à l’île d’Elbe, voyage qui remplirait de chagrin le coeur paternel de Sa Majesté qui formule les souhaits les plus tendres pour le bien-être de sa fille bien-aimée... Au pis-aller, si toutes les représentations étaient vaines, le général suivra la duchesse de Colorno à l’île d’Elbe. »
Neipperg agit avec le tact demandé, et Marie-Louise ne s’aperçoit nullement du but poursuivi adroitement par le bel officier. Il est borgne, mais le bandeau noir qu’il porte sur l’oeil lui donne un petit genre corsaire qui plaît aux dames... : « Je suis très contente du général Neipperg (sic) que mon père a mis près de moi, écrit-elle à son mari, il parle de toi d’une manière convenable et tel que mon coeur peut le désirer, car j’ai besoin de causer de toi dans cette cruelle absence ; quand pourrais-je enfin te revoir, t’embrasser, je le désire
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