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Napoléon

Napoléon

Titel: Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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du monde, que pour-rais-je faire ? Le climat y est trop ardent pour moi. Non, je n’irai pas à Sainte-Hélène. Botany Bay {55} serait préférable à Sainte-Hélène. Si votre Gouvernement a l’intention de me mettre à mort, il peut tout aussi bien me tuer ici. Inutile de m’expédier à Sainte-Hélène ! J’aime mieux la mort... Et quel bénéfice retirerez-vous de ma mort ? Je ne saurai vous nuire : j’ai cessé d’être souverain. Je suis un simple particulier. Et puis, le temps, les circonstances se sont modifiés. Quel danger pourrait résulter du fait que je mènerais, au coeur de l’Angleterre, une existence privée, surveillée, soumise à toutes les restrictions que le gouvernement jugerait nécessaires ?... Si vous me tuez maintenant, ce sera pour le Prince-Régent, pour votre gouvernement, pour la nation une honte éternelle. Une lâcheté sans exemple ! J’ai donné au Prince-Régent l’occasion d’écrire la plus belle page de son histoire ! Moi, son ennemi, je me mets à sa merci ! J’ai été le plus grand ennemi de votre pays ! Vingt ans, je lui ai fait la guerre, et je vous fais le plus grand honneur, je vous offre la preuve la plus éclatante de ma confiance en me plaçant de mon plein gré entre les mains de mes plus constants, de mes plus vieux ennemis !
    Impassibles, flegmatiques, lord Keith et Henry Bunburry se refusent à répondre. Ils saluent et se retirent. Aussi est-ce devant Maitland, seul, que Napoléon poursuit, donnant libre cours à sa fureur. Il éclate littéralement :
    — À Sainte-Hélène ! L’idée seule m’en fait horreur. Être relégué pour la vie dans une île entre les tropiques, à une distance immense de tout continent, privé de toute communication avec le monde, et de tout ce qu’il renferme de cher à mon coeur !... C’est pis que la cage de fer de Tamerlan ! Je préférerais qu’on me livrât aux Bourbons. Entre autres insultes – mais ceci n’est qu’une bagatelle, une chose très secondaire – ils m’appellent général !
    La rage le fait déraisonner :
    — Ils n’ont pas le droit de m’appeler général, ils peuvent aussi bien m’appeler primat, car j’étais chef de l’Eglise aussi bien que de l’armée. S’ils ne me reconnaissent pas comme empereur, ils doivent me reconnaître comme premier consul. Ils m’ont envoyé des ambassadeurs à ce titre, et votre roi, dans ses lettres, me qualifiait de frère. Si l’on m’eût renfermé à la tour de Londres ou dans une des forteresses de l’Angleterre – quoique ce ne fût pas là ce que j’avais espéré de la générosité du peuple anglais – j’aurais eu beaucoup moins de raisons de me plaindre, mais m’exiler dans une île entre les tropiques ! Autant aurait valu signer tout de suite mon arrêt de mort, car il est impossible qu’un homme de mon tempérament et de mes habitudes puisse vivre longtemps dans un pareil climat.
    Brusquement, la tempête s’apaise, le flux de paroles s’arrête. Avec une étonnante maîtrise de soi, l’Empereur, après ce premier bouillonnement de fureur, parvient à retrouver son calme. Un peu plus tard, « je me rendis dans sa cabine, racontera Marchand. En entrant je trouvai les rideaux des fenêtres hermétiquement fermés ; ils étaient en soie de couleur rouge, ce qui donnait une teinte mystérieuse à la chambre. L’Empereur avait déjà retiré son uniforme, disant qu’il voulait un peu se reposer. Continuant de se déshabiller, il me dit de lui poursuivre la lecture de la Vie des Hommes illustres. »
    À la stupéfaction des Anglais, Napoléon semble se résigner et se soumettre à sa destinée. Il ne parle même plus de Sainte-Hélène et ne se hâte nullement de donner les noms des trois officiers autorisés à partager son exil. La petite cour paraît, elle aussi, brusquement – et étrangement – rassérénée.
    — L’Empereur n’ira pas à Sainte-Hélène, expliquent presque en souriant les compagnons du proscrit à Maitland, médusé.
    Le capitaine du Bellerophon eût compris ce que signifiaient cette attitude et ces mots énigmatiques s’il avait pu deviner qu’un matelot bon nageur venait d’être soudoyé par les « prisonniers » pour aller porter à Plymouth un message rédigé par l’Empereur, secondé par Las Cases, et destiné à un juriste : sir Samuel Romilly. Napoléon invoquait les garanties offertes par le Habeas Corpus Act de 1679. Napoléon n’ignorait rien, en effet, de ces

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