Napoléon
« costume espagnol des plus riches ». Le Fregoli de l’épopée n’échappe pas non plus au virus et joue au souverain ! Sans tarder, et sous le prétexte que les « Westphaliens l’appellent à eux, Joachim fait occuper des territoires que la Prusse n’a pas encore évacués...
« Que voulez-vous que je vous dise ? lui écrit, le 10 avril, son impérial beau-frère. Vous marchez tantôt avec étourderie, tantôt avec imprévoyance. Il ne fallait pas occuper Essen et Werden, puisque le commissaire prussien ne vous en avait pas mis en possession... J’ai écrit au roi de Prusse de retirer ses troupes ; vous, retirez les vôtres. Cela est un petit affront que vous avez fait essuyer à mes armes. Je trouve ridicule que vous m’opposiez l’opinion du peuple de Westphalie... »
Les Westphaliens n’ont nullement voix au chapitre ! Napoléon ne l’a-t-il pas dit : « Bien analysée, la liberté politique est une fable convenue, imaginée par les gouvernants pour endormir les gouvernés. »
Point calmé, S.A.S. le grand-duc exige « des garanties pour ses enfants ».
— Vous êtes Français, lui répond l’Empereur agacé, le 30 juin, j’espère que vos enfants le seront ; tout autre sentiment serait si déshonorant que je vous prie de ne m’en jamais parler. Il serait fort extraordinaire qu’après les bienfaits dont le peuple français vous a comblé, vous pensiez donner à vos enfants les moyens de lui nuire !
L’empire d’Occident est en marche et Napoléon prenant goût à la création de ces marches-frontières formant un glacis autour de l’Empire Français, crée à côté des grands fiefs un certain nombre de duchés et de principautés. Bernadotte, le mari de Désirée, devient prince de Ponte-Corvo, localité située dans le royaume de Naples, Talleyrand reçoit la principauté de Bénévent, Cambacérès le duché de Parme ; Lebrun celui de Plaisance. Berthier se verra offrir la principauté de Neuchâtel dédaignée par les Murat. Enfin, et c’est là le grand coup – puisque François I er d’Autriche n’est plus l’empereur d’Allemagne François II et que le Saint-Empire est devenu uneantiquité de musée – pourquoi ne pas réunir les États germaniques privés de chef suprême ? Ne pourrait-on pas placer au sommet de l’édifice décapité l’empereur des Français ? Napoléon n’est-il pas déjà le médiateur de la Confédération helvétique ? Les Allemands de l’Ouest désirent-ils vraiment « se précipiter vers la nation française assurément mieux gouvernée », ainsi que l’a affirmé Napoléon, sans fausse modestie ? La Bavière, le Wurtemberg et même Bade se sentent déjà suffisamment « protégés », mais treize autres princes, tels ceux de Hesse-Darmstadt et de Hohenzollern, ont besoin – l’Empereur l’affirmait – de se confédérer. Bien entendu, Murat, nouveau grand-duc de Berg et de Clèves, devra lui aussi entrer dans la nouvelle combinaison.
Cependant, Napoléon, bien que se considérant comme le successeur de Charlemagne, ne voyait pas encore de quelle manière il pourrait réaliser ses projets. Il appartenait à Charles de Dalberg, archevêque-électeur de Ratisbonne, de lui fournir les moyens de parvenir à ses fins. Le prélat gouvernait des débris de l’empire germanique, et, pour faire de ces débris une manière d’État – et conserver sa place – il choisit adroitement comme coadjuteur l’oncle de l’Empereur, le cardinal Fesch. Flagorneur à souhait, il écrit à Napoléon et supplie le maître de ne pas « se borner à créer le bonheur de la France ». « La Providence, précise-t-il, accorde l’homme supérieur à l’Univers. L’estimable nation germanique gémit dans les malheurs de l’anarchie politique et religieuse ; soyez, Sire, le régénérateur de la Constitution... »
Requête « spontanée » qui amène Napoléon à accepter tout naturellement de devenir le chef de feu le Saint-Empire romain germanique. Il sera, non le Régénérateur, mais le Protecteur de la nouvelle agglomération baptisée confédération, à la tête de laquelle on placera nominativement Dalberg – il l’avait bien mérité – avec le titre de prince-primat et grand-duc de Francfort. En réalité, l’Empereur est le maître de la mosaïque allemande. Rois, princes etducs allemands ne sont plus, dès lors, que des superpréfets d’un empire fédératif.
Un empire qui tend d’ailleurs à devenir
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