Napoléon
familial !... Hier, c’était le mariage d’Eugène avec Auguste de Bavière ; demain, celui de son frère Jérôme avec Catherine de Wurtemberg, puis, nous le verrons, celui de Stéphanie Tascher de la Pagerie – cousine de sa femme – qui convolera avec le prince d’Arenberg.
En attendant cette double union, le 7 avril 1806, la blonde et si jolie espiègle Stéphanie de Beauharnais – nièce d’Alexandre, premier mari de Joséphine – se marie avec le disgracieux prince de Bade, fils du margrave Charles-Frédéric, à qui Napoléon a accordé de l’avancement en le nommant grand-duc. On devine la grimace paternelle. Pour l’ex-margrave, les Beauharnais sont de petits hobereaux ! Et il ignore que, hors le marquis, père d’Alexandre, toute la famille s’est parée de titres de courtoisie. Aussi Napoléon couvre-t-il Stéphanie d’honneurs et l’adopte-t-il à la grande fureur du « clan ». L’orgueilleux Charles-Frédéric s’apaise : la princesse Stéphanie-Napoléon régnera et fera partie de l’échiquier impérial. Arrivée dans les États de son beau-père, elle ne sera guère heureuse. Son mari aura beau cesser de porter les cheveux longs « à l’ancienne », celle qui sera la mère de Gaspard Hauser – au destin tragique – ne pensait qu’à Paris. « Accommodez-vous du pays, lui ordonna Napoléon, et trouvez tout bien, car rien n’est plus impertinent que de parler toujours de Paris et des grandeurs qu’on sait qu’on ne peut avoir : c’est le défaut des Français ; n’y tombez pas. Carlsruhe est un beau séjour... »
Elle aussi, bien que seulement Beauharnais, devra se plier au fameux « système ».
Certes, l’Empereur n’a nulle envie de faire la guerre, et la thèse de Napoléon pacifique ne peut être plus évidente qu’à la veille de la quatrième coalition. « M. de Buonaparte », ainsi que l’appellent sesennemis, ne décide-t-il pas ce qu’il veut ? – et sans prendre les armes, ne peut-il pas, presque à sa guise, déplacer les poteaux-frontières ? Mais toute l’Europe regarde, atterrée, cette France atteinte de boulimie, qui s’étend plus ou moins directement, et sous des noms divers, depuis les villes hanséatiques jusqu’à Naples, et de Brest aux rives de l’Elbe, en attendant d’atteindre l’Oder et, un jour, certains le prévoient déjà prochain – les bords de la Vistule et du Niémen... Passe encore pour l’Italie, primitivement morcelée en possessions autrichiennes, ou même quelque peu espagnoles, mais les États européens ne peuvent demeurer impassibles en voyant des terres allemandes cesser d’être prussiennes ou autrichiennes. Pour eux, point d’autre solution que la guerre, afin de regagner ce qui leur a été arraché par la force des armes – des armes brandies par la Révolution française, puis par celui qui est devenu son héritier. Par contre, que peut gagner Napoléon à livrer de nouvelles batailles ? Sinon se faire de nouveaux ennemis puisque, prisonnier de ses conquêtes présentes et futures, il lui faut bien les garder !
Si ce n’est pour lui, du moins il doit en faire profiter le clan ou ses alliés et commensaux afin de les récompenser de l’aide qu’ils lui ont apportée. Pousser son pacifisme jusqu’à rendre les provinces conquises aux vaincus ? Mettre volontairement des bornes aux territoires français et à l’influence française ? Accorder aux Anglais une part du gâteau européen ? Ou du moins les laisser librement commercer avec le Continent ? C’était peut-être là une sagesse – mais une sagesse dangereuse ! L’Empereur n’aurait pu l’acquérir que s’il avait connu – comme nous – la fin de l’extraordinaire aventure.
Les agrandissements successifs – volontaires ou involontaires – de la France impériale obligeront ses ennemis à lui déclarer la guerre. De même que ses perpétuelles victoires contraindront l’Empereur à multiplier dans l’avenir des casus belli qui, un jour, seront la cause de sa perte.
Je ne puis avoir d’alliance réelle avec aucune des grandes puissances, soupirait l’Empereur.
Seule, l’Autriche semblait provisoirement muselée. Quant à la Prusse, espérant la désarmer et lui faire accepter la création de la Confédération du Rhin, Napoléon lui avait donné le Hanovre – possession anglaise sur le continent. En échange, le gouvernement de Berlin devait accepter une alliance offensive et défensive avec
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