Napoléon
dire ce que vous m’avez écrit et ce qu’il me fait tant de bien d’entendre... Mon amie, ce coeur est-il un peu agité du mal que vous faites ? Je ne sais, il me paraissait hier voir un peu de douce mélancolie dans vos yeux ! Je les couvre de baisers pour l’augmenter encore, et je me mets à vos pieds. »
Quelques jours plus tard, il lui adresse encore ces lignes, où l’on entend les battements de son coeur :
« Vous étiez si belle et si bonne hier au soir que longtemps dans la nuit il me semblait vous voir encore. Il n’y a point de ténèbres qui empêchent que l’on ne vous voie, vous êtes comme un ange.
« Je suis fâché de vous avoir dit de venir à la parade, il fait si froid, et vous vous enrhumerez.
« Je me fais un bonheur de vous voir danser ce soir et de lire dans vos yeux les émotions de votre coeur... mio dolce amore, un délicieux baiser sur votre charmante bouche et mille bien respectueux sur vos mains. »
Mio dolce amore ! Comme autrefois lorsqu’il écrivait à Joséphine... Maintenant que Marie l’aime, tout en lui assurant qu’il ne perd pas de vue sa promesse de faire revivre la Pologne, il peut lui expliquer :
— J’ai déjà forcé la Prusse à lâcher la part qu’elle usurpait, le temps fera le reste. Ce n’est pas le moment de réaliser tout. Il faut patienter. La politique est une corde qui casse quand on la tend trop fort. En attendant, vos hommes politiques se forment. Car combien en avez-vous ? Vous êtes riches en bonspatriotes ; vous avez des bras, oui, j’en conviens :l’honneur et le courage sortent par tous les poresde vos braves, mais cela ne suffit pas : il faut unegrande unanimité.
Et puis il y a aussi les intérêts de la France :
— Songe que de trop grandes distances nous séparent : ce que je puis établir aujourd’hui peut êtredétruit demain. Mes premiers devoirs sont pour laFrance, je ne puis faire couler le sang français pourune cause étrangère à ses intérêts et armer mon peuple pour courir à votre secours chaque fois qu’il seranécessaire.
Marie est devenue pour lui sa « femme polonaise »comme il l’appelle. Il l’aime autant qu’on a le tempsd’aimer lorsqu’on a toute l’Europe sur les bras. Il nepeut se passer d’elle. Lorsqu’il partira dans quelquesjours à la tête de ses troupes il lui enverra chaquejour un courrier.
Il ne comprend pas cependant, que Joséphine lui écrive qu’elle ne peut se passer aussi longtemps delui. Il rit – sans pitié pour sa chère créole – en lisantune lettre de sa femme lui confiant naïvement : « J’aipris un mari pour être avec lui ! » Et il répond,inconscient et glorieux : « Je pensais dans mon ignorance que la femme était faite pour le mari, le maripour la patrie, la famille et la gloire ; pardon de monignorance ; l’on apprend toujours avec nos bellesdames. » Joséphine a-t-elle deviné que pour sa« femme polonaise » Napoléon a retrouvé son coeurde Bonaparte ? « Comme à l’ordinaire, écrira-t-ilencore à l’Impératrice, ta petite tête de créole semonte et s’afflige. »
La « petite tête » ne s’apaise toujours pas et s’inquiète. « Je ne sais ce que tu me dis des dames encorrespondance avec moi, répétera-t-il. Je n’aime quema petite Joséphine, bonne, boudeuse et capricieuse,qui sait faire une querelle avec grâce, comme toutce qu’elle fait ; car elle est toujours aimable, horscependant quand elle est jalouse : alors elle devienttoute diablesse. Mais revenons à ces dames. Si jedevais m’occuper de quelqu’une d’entre elles, je t’assure que je voudrais qu’elles fussent de jolis boutonsde roses. Celles dont tu parles sont-elles dans ce cas ? » Quelques jours plus tard, il écrira encore à Joséphine : « Tu me dis que ton bonheur fait ta gloire : cela n’est pas généreux ; il faut dire : Le bonheur des autres fait ma gloire ; cela n’est pas conjugal ; il faut dire : Le bonheur de mon mari fait ma gloire ; cela n’est pas maternel ; il faudrait dire : le bonheur de mes enfants fait ma gloire ; or, comme les peuples, ton mari, tes enfants, ne peuvent être heureux qu’avec un peu de gloire, il ne faut pas tant en faire fi ! Joséphine, votre coeur est excellent, et votre raison faible ; vous sentez à merveille, mais vous raisonnez moins bien. Voilà assez de querelle. Je veux que tu sois gaie, contente de ton sort, et que tu obéisses, non en grondant et en pleurant,
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