Néron
apporter.
Puis je suis parti pour Rome.
Je mesurai dès mon arrivée la grâce qui m’était faite car la cruauté de Néron frappait à grands coups de glaive.
Les enfants des condamnés étaient tués comme leurs parents. On les chassait de Rome. Puis on les égorgeait ou on les laissait mourir de faim, souvent on les empoisonnait avec leurs esclaves et leurs pédagogues.
Je découvris une ville agenouillée où alternaient funérailles des victimes et actions de grâces adressées aux dieux pour les remercier d’avoir sauvé Néron.
Il traversait le forum, le champ de Mars, entouré de ses prétoriens germains. Il entrait au Sénat, voulait qu’on élevât une statue à Tigellin et à l’un de ses conseillers, Nerva, l’un de ses flagorneurs et pires délateurs.
Il récompensait Natalis dont les aveux avaient permis de démasquer la conspiration et qui lui avait désigné Sénèque comme le véritable inspirateur de Pison.
Il couvrait de biens Milichus, le dénonciateur auquel il accola le nom de « Sauveur ».
Mais il continuait de faire exécuter ceux qui avaient jusqu’alors réussi à échapper à ses délateurs et à ses exécuteurs.
Ainsi du préfet du prétoire Faenius Rufus qui avait tenté, en devenant lui-même un délateur et un bourreau, de dissimuler qu’il avait été l’un des complices de Pison. Accusé par d’autres condamnés, dont Scaevinus, et divers prétoriens, Rufus bredouilla, le corps couvert de sueur, lançant des regards de bête traquée.
D’un geste, Néron ordonna qu’on le couvrît de chaînes. Rufus mourut en lâche, après avoir, dans son testament, supplié Néron de lui pardonner. Et, jusqu’à ce que le glaive lui tranchât la nuque, il se lamenta.
Le centurion Asper fut plus courageux.
Il fit face à Néron, qui l’interrogeait.
— Je ne pouvais te porter secours qu’en te tuant, puisque tu es souillé de toutes les hontes, lui répliqua Asper.
Néron recula, tremblant, cependant qu’on entraînait Asper vers les supplices et la mort.
Le tribun Sibrius Flavus accusa lui aussi Néron qui, penché sur lui, le questionnait, lui demandant pour quelles raisons il avait oublié le serment qui liait le soldat qu’il était à son imperator.
— Je te haïssais, répondit Flavus. Et nul soldat ne te fut jamais plus fidèle, aussi longtemps que tu as mérité d’être aimé. J’ai commencé à te haïr après que tu t’es révélé meurtrier de ta mère, de ton frère et de ton épouse, et puis cocher, histrion et incendiaire.
Flavus s’était exprimé d’une voix énergique, et c’est Néron qui baissa les yeux et s’enfuit, fouetté par ces accusations que jamais personne n’avait osé porter contre lui.
Honneur au tribun Sibrius Flavus qui, au bord de la tombe que son exécuteur, un autre tribun, Veianus Niger, avait fait creuser, et alors qu’on l’invitait à tendre courageusement la nuque, déclara :
— Puisses-tu seulement, Niger, toi aussi frapper courageusement.
Et le bras de Niger trembla si bien qu’il dut s’y reprendre à deux fois pour trancher la tête de Flavus, ce dont il se vanta auprès de Néron en disant qu’il avait tué Flavus une fois et demie.
Car la cruauté du tyran était contagieuse comme la peste.
Néron flattait les lâches et les corrompus. Il espérait acheter les âmes, faisant distribuer à chaque prétorien deux mille sesterces et du blé gratuit.
Les courageux étaient voués à la mort ou au silence.
J’ai choisi de me taire et j’en ai éprouvé de la honte, apprenant que Lucain, le neveu de Sénèque, était mort en récitant l’un de ses poèmes évoquant l’agonie d’un soldat blessé qui se noie.
« Écartelé, il est fendu en deux et son sang ne jaillit pas d’un seul jet, comme d’une blessure, lentement il tombe, des veines partout rompues, et les soubresauts de son âme qui parcourent les parties disloquées de son corps sont interrompus par les eaux. »
Honneur à Lucain.
Et salut au tribun Gavius Silvanus qui avait porté à Sénèque l’ordre de mourir.
Tigellin avait découvert peu après que Silvanus comme le préfet Rufus, comme le centurion Asper ou le tribun Flavus avaient fait partie de la conspiration.
Pourtant Néron, la bouche boudeuse, avait murmuré qu’il ne voulait pas qu’on tuât Gavius Silvanus. Il se refusait même à l’interroger. Après tout, Silvanus avait exécuté les ordres, et Sénèque était mort.
Qu’on
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