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Néron

Néron

Titel: Néron Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Je n’ai jamais cru aux rêves prémonitoires, Serenus. Je crois en revanche à l’immortalité de l’âme. Pourquoi devrais-je craindre la mort ? La chair est faite pour pourrir.
    Il s’éloigna, puis revint vers moi, surgissant tout à coup de la nuit, me prenant aux épaules.
    — Tout empereur peut devenir Caligula, je le sais. Mais même le plus fou, le plus monstrueux ne peut venir à bout d’une âme humaine.

 
     
20
    Quelle était l’âme de Néron ?
    Je continuais de m’interroger.
    Était-ce celle d’un homme d’à peine vingt ans qui hésitait encore entre le bien et le mal, entre la clémence que lui enseignait Sénèque et la cruauté à laquelle le portaient ses instincts ?
    Ou bien cette âme était-elle celle d’un monstre conçu par les dieux pour persécuter les hommes, vouée tout entière à satisfaire ses appétits, ses vices, ses lubies et ses rancunes ?
    Il me semblait que c’était celle-ci qui, monstrueuse, s’épanouissait chaque jour davantage.
     
    Je voyais le visage et le corps de Néron se transformer, son sourire se changer en rictus, la grâce de ses traits en mimique hypocrite, cependant que son ventre s’arrondissait, ses jambes paraissaient plus grêles. Son regard était devenu plus fuyant, mais parfois il se fixait, comme désignant une victime. Il plaçait contre son œil droit une émeraude taillée afin de corriger sa faible acuité de myope, et son visage figé ressemblait à cet instant à l’effigie d’un dieu cruel.
    Il ne se déplaçait plus qu’entouré de gladiateurs et de centurions, comme s’il tentait ainsi de se protéger de la peur qui déformait ses traits.
    — C’est un poltron, ai-je dit à Sénèque. La mort le tient dans sa poigne. Comment veux-tu qu’il se conduise en homme libre ? Tu me l’as dit souvent, Sénèque : seul celui qui ne craint pas la mort ne sera pas l’esclave de sa peur. L’effroi gouverne Néron. Regarde son visage !
     
    Selon Sénèque, le comportement et les affres de Néron pouvaient se comprendre.
    Agrippine n’avait pas renoncé au pouvoir. Britannicus mort, elle avait serré contre elle Octavie, sa sœur, l’épouse de Néron. Elle la consolait tout en la dressant contre l’empereur.
    La rumeur d’une nouvelle conjuration se répandait dans Rome. Agrippine accumulait un trésor pour acheter les prétoriens. Elle réunissait autour d’elle les centurions, les tribuns, les nobles hostiles à Néron.
    J’ai vu celui-ci, la tête rentrée dans les épaules, se frottant les mains spasmodiquement, écouter les délateurs lui chuchoter les noms de ceux qui rencontraient Agrippine.
    Il y avait parmi eux ce Rubellius Plautus que les philosophes stoïciens connaissaient parce qu’il fréquentait leur cercle.
    Je l’avais croisé à plusieurs reprises. C’était un homme grand à la démarche assurée, fier de ses origines qui le faisaient descendre d’Auguste. Il comptait parmi ses ancêtres l’empereur Tibère. C’était, pour Néron, un possible rival, et on murmurait qu’Agrippine songeait à l’épouser, le faisant ainsi pénétrer davantage encore dans la lignée de ceux qui pouvaient prétendre à l’Empire.
    Il y avait aussi un descendant de Pompée, de Sylla et d’Auguste, Faustus Cornélius Sulla Félix, qui avait été consul et avait épousé Antonia, l’une des filles de l’empereur Claude. Lui aussi pouvait prétendre succéder à Néron.
     
    On n’en aurait donc jamais fini avec le risque de luttes entre rivaux, de partage de l’Empire, de guerre civile.
    Je questionnais Sénèque : à quoi donc avait servi la mort de Britannicus dont il avait prétendu qu’elle se justifiait par le souci d’empêcher les affrontements entre prétendants à l’Empire qui affaiblissaient Rome ?
    — Le sommet de l’Empire est un nid de scorpions, me répondit-il. Le nid est toujours fécond. Mais il faut écraser les plus menaçants.
    Néron les guettait, les combattait ; sans doute se préparait-il à les écraser.
    Je le voyais renvoyer d’un geste les délateurs. Il ordonnait d’une voix sourde que fussent supprimées les gardes militaires, celles des licteurs et des Germains qui avait été octroyées naguère à Agrippine. Qu’on chassât sa mère du palais, qu’elle fut reléguée dans une autre demeure, qu’on lui refusât tous les honneurs, qu’on la menaçât de procès, ajoutait-il.
    Tout à coup, il hurlait d’une voix suraiguë :
    — Je veux qu’elle ait peur,

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