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Néron

Néron

Titel: Néron Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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doute.
    Sénèque a hoché la tête.
    À la caserne des prétoriens, sur le conseil de Burrus, qui commandait ces soldats, il avait rencontré un détenu qui passait pour un maître de la religion de Christos. Cet homme avait été emprisonné en Palestine non pour avoir suscité la révolte contre Rome, mais parce que sa prédication gênait les défenseurs de la Loi juive. Les rabbins avaient dénoncé au procurateur ce Paul qui arrivait de Tarse. Et il avait fallu leur arracher de force cet homme que les prêtres juifs voulaient lapider.
    — Je l’ai vu, a poursuivi Sénèque. C’est un petit homme chauve, un citoyen romain. Laid, les jambes arquées et malingres, le nez busqué, le teint sombre, c’est un Juif de Tarse à l’esprit aguerri. Il a tenté de me convaincre. Burrus voulait que je l’entende plaider que le culte de Christos est un culte de raison, sans autre sacrifice que celui de soi-même, qu’il est différent de celui des Juifs, qu’un adepte de Christos doit servir Dieu dont la nouveauté est dans l’esprit et non dans la vétusté de la lettre. Ainsi, il refuse la circoncision et m’a dit : « Nous sommes circoncis en Christos. » Je l’ai senti surtout soucieux de m’assurer, moi dont il sait que j’approche l’empereur chaque jour – il s’illusionne sur mon influence, mais je ne l’ai pas détrompé –, que la religion de Christos, contrairement à celle des Juifs, ne constitue en rien une menace pour l’Empire : « Je dis, j’écris dans mes épîtres qu’un disciple de Christos doit être un sujet soumis non seulement par crainte du châtiment, mais aussi par devoir de conscience. Les souverains, en effet, sont des fonctionnaires de Dieu, occupés à remplir l’office qu’il leur a imposé. Le croyant en Christos doit rendre à chacun ce qui lui est dû. À qui vous devez payer l’impôt, payez l’impôt. À qui payer la redevance, payez la redevance. À qui la crainte, payez la crainte. À qui l’honneur, payez l’honneur… »
    — Ils priaient pour les esclaves suppliciés, ai-je observé.
    Sénèque s’est levé et est venu s’asseoir près de moi sur la couche étroite.
    — Ils ne condamnent pas l’esclavage, a-t-il répondu. J’ai appris que les familles nobles de Rome qui sont de la secte disposent d’esclaves qui partagent leur foi. Elles ne les affranchissent pas mais les traitent avec bienveillance.
    Je me suis redressé. J’ai osé, moi, l’élève, mettre mes deux mains sur les épaules de mon maître, le questionner avec anxiété :
    — Que penses-tu d’eux ?
    — Je n’ai jamais vu un homme revenir du royaume de la mort, a-t-il murmuré. Mais ils croient que Christos a ressuscité et que les morts, un jour, comme lui, se relèveront.
    — Tu crois à l’immortalité de l’âme, maître. Tu me l’as répété tant de fois !
    Sénèque a souri.
    — Il faut user de tout, et même de cette pensée, avec mesure. Or les disciples de Christos ne connaissent que la démesure. Ils croient à la résurrection et donc refusent les plaisirs de la vie. Ni viande, ni vin, quelques légumes et un peu d’eau. Et tu en souffrirais, Serenus : ils condamnent ces orgies auxquelles il ne t’a pas déplu de t’abandonner avec entrain. Tu as remercié Néron de t’avoir offert vierges et éphèbes. Je t’ai observé !
    Il s’est esclaffé.
    — Mais peut-être ce Paul de Tarse est-il le plus austère des disciples de Christos ? Et d’autres sont-ils sans doute plus sages que lui…
    Il a fait une moue.
    — J’ai moi aussi, en Égypte, autrefois, quand la mort me paraissait si éloignée que j’en oubliais le plaisir de vivre, été un ascète qui se nourrissait de quelques figues. Depuis que la mort est proche, je savoure la plus petite des gorgées de vin de ma vigne de Faleme.
    Il est resté un long moment silencieux, puis a continué :
    — Ce qui m’étonne, c’est le dieu qu’ils se sont choisi, ce Christos. Toutes les religions, la nôtre ou celle des Grecs ou des Égyptiens, vénèrent des dieux puissants. Ils prient les empereurs. Le nôtre est fils d’Apollon. C’est un prince solaire, le glorieux empereur du genre humain. Or ce Christos me semble bien humble, portant non pas la couronne d’or ou de laurier du triomphe, mais celle d’épines du condamné. Et il a été crucifié comme un esclave.
    Il s’est penché vers moi.
    — Mais là est peut-être sa force ? Les esclaves sont si nombreux…, a-t-il

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