Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Néron

Néron

Titel: Néron Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
Empire dont je me suis alors demandé s’il n’était pas devenu plus cruel que le royaume le plus barbare d’Asie.
    Les jours suivants, j’ai vu encore pire.
    Dans l’arène, des femmes nues étaient pénétrées par des phallus géants enflammés que tenaient à deux mains des esclaves comme s’il s’agissait du leur. D’autres étaient livrées, telles des génisses, à des taureaux furieux au phallus écarlate. Certaines étaient attachées nues aux cornes d’un taureau ; l’on murmurait que Néron avait voulu ce supplice-la pour rappeler le sort de Dircé, la femme du régent de Thèbes, Lycos.
     
    Car Néron, c’était cela : le raffinement dans les supplices et le goût de la Grèce, de ses dieux, de ses légendes, de ses jeux, de son théâtre. La cruauté se mariant à l’art.
    Je l’ai observé. Il jouissait de ce qui n’était pour lui que spectacle, mise en scène, évocation du destin des divinités et des souverains grecs.
    Rome avait brûlé comme Troie. Il avait éprouvé ce qu’avait ressenti Priam.
    Mais il était plus grand que tous, car Rome avait vaincu la Grèce et elle associait la force à la philosophie, les légions romaines aux jeux et au théâtre.
    Et lui, Néron, réunissait tout cela dans sa propre personne : acteur, chef de guerre, grand pontife, fils de dieu, poète, aurige, empereur du genre humain.
    Lors de la dernière soirée de supplices, alors que dans l’arène tout ce que j’avais vu au cours des jours précédents était réuni pour une sorte de parade finale, où les flambeaux vivants comme dans les jardins de Néron éclairaient le spectacle, où les chiens se repaissaient des chairs, où les femmes étaient labourées par les phallus, traînées nues sur la piste par des taureaux qui secouaient leurs cornes afin de se débarrasser des corps qui leur étaient arrimés, il m’a semblé que la plèbe ne manifestait plus sa haine ni son enthousiasme. Elle exprimait par ses longs silences son hébétude, une sorte de dégoût, peut-être même de pitié, comme si elle comprenait que Néron s’était joué d’elle, que ces chrétiens qui périssaient ne mouraient pas pour l’intérêt de tous, mais pour satisfaire la cruauté d’un seul.
    Une voix près de moi a chuchoté :
    — Je sais ce que je risque en te parlant. Le nom seul de chrétien est un arrêt de mort. Mais le procurateur romain a crucifié notre Christos, et Christos est ressuscité. L’empereur Néron a crucifié Pierre, décapité Paul, supplicié des centaines d’entre nous, mais nous ressusciterons, et je te le dis : Néron est la bête qui hante la fin des temps. Lui brûlera dans les Enfers, pour son éternelle souffrance. Il est le Mal. Il est l’Antéchrist !
    Je ne me suis pas retourné.
    Je n’ai pas voulu voir le visage de celui qui m’avait parlé.

 
     
38
    Je n’ai jamais oublié ces paroles prononcées par l’inconnu.
    Je les répétais chaque jour à Sénèque, dont l’indulgence ou l’indifférence me choquaient. Rien ne paraissait le surprendre dans les supplices infligés aux chrétiens. Lorsque je lui décrivais les corps crucifiés, enduits de poix, d’huile ou de résine afin qu’ils s’embrasent, il m’interrompait.
    Il s’agissait, disait-il, du châtiment infligé depuis toujours aux incendiaires. La seule nouveauté consistait à avoir utilisé ces brûlés vifs comme torches, atroces flambeaux pour éclairer des jeux cruels.
    Mais – il haussait d’un prompt mouvement l’épaule gauche, tout en faisant la moue – c’était là le fruit du goût pour les arts – oui, l’on pouvait employer ce mot – de Néron. Il n’était pas plus cruel que les autres tyrans ou que n’importe quel homme ayant possédé un pouvoir équivalent au sien, mais il avait la volonté d’inventer, de créer.
    Je m’indignais.
    — Rome est devenue le royaume de la Bête, la ville du Mal, le champ de carnage de l’Antéchrist !
    Sénèque haussait les sourcils, tendait la main vers moi pour m’inciter à recouvrer la mesure, à ne pas me laisser emporter par la passion des adeptes de Christos.
    Néron, après tout, ne faisait que suivre l’opinion de la plèbe et des prêtres juifs qui haïssaient les chrétiens. Les accusations que l’on portait contre eux, étais-je sûr qu’elles n’étaient pas justifiées ? Ils étaient pires que les Juifs dans leur mépris de Rome. Les Juifs étaient plus habiles, sachant influencer les proches de Néron,

Weitere Kostenlose Bücher