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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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bien
louant à la journée une voiture qui le conduisait jusqu’à Vence.
    Frédéric Karenberg s’étonnait, le retrouvant le soir dans
leur villa de Cimiez, Peggy prenant Helena par le bras, disant : « Venez,
Helena, nous allons jusqu’aux arènes », Jean s’élançant devant elles en
courant.
    — Mais que recherchez-vous ? demandait Frédéric,
vous êtes…
    — J’aime voir, comprendre, interrompait Gustav.
    — Vous allez écrire ?
    Gustav se penchait en avant, ses cheveux noirs, gras,
brillaient. Il écartait d’un mouvement de la main des insectes qui, avec obstination,
tournaient autour de la lumière blanche de la lampe à pétrole.
    — Karenberg, croyez-vous vraiment que cela aurait un
sens ? Ma dernière image de l’Autriche, c’est un défilé de hussards, je
crois, sur la grande place de Brno, tous ces hommes chamarrés et savez-vous
quel est le premier spectacle que j’ai vu à Paris, une revue militaire, mon
cher Karenberg vraiment, les mots, quelle légèreté, j’ai décidé de ne plus
jamais m’intéresser à ce qui est écrit, la musique soit, l’architecture oui,
mais les livres, à l’époque du chemin de fer, de ces aéroplanes, du
cinématographe, non, vraiment.
    Il voulait dire aussi, je suis déraciné. Cette ville étendue
au soleil au bord de mer, elle est belle et vaine comme une dormeuse. Où sont
les bruits de voix du café Grinstedl, Karl Musselberg qui se penche vers moi et
dit : « Je vous lis ces poèmes, et je me tue ! » Il boira
seulement de la bière. Comment croire au pouvoir des mots ? Je parle,
j’écris, Helena m’échappe, son regard suit ces officiers qui passent, le sabre
traînant dans le sable du jardin.
    — Je ne crois plus, Karenberg, reprenait Gustav après
un silence, je ne crois plus à ma vocation d’écrivain… bref, j’en termine avec
mon adolescence. Connaissez-vous l’histoire de François Blanc ?
    Il racontait l’aventure du créateur de Monte-Carlo.
    — Nous avons, ici, la place pour plusieurs Monte-Carlo
Karenberg, je vais m’occuper de cela, ce sera ma forme d’art, mon jeu.
    — Elle joue, n’est-ce pas ? demandait Frédéric.
    — Elle joue, répondait Gustav. Elle joue, mais avec
modération. Elle perd, bien sûr, mais vous autres, Russes, vous êtes joueurs,
vous-même Karenberg…
    — Moi ?
    Frédéric se levait, allumait un cigare. Il regardait Helena
qui rentrait avec Peggy. Peggy parlait, riait. Helena distraite, indifférente,
cette force, cette passion qu’elle ne réussissait pas à faire sortir d’elle.
    — Vous, Karenberg, vous jouez avec les idées, vos
théories, votre internationale socialiste, votre politique, un jeu qui vaut le
sien, des abstractions. Je vais, moi…
    Il s’interrompait. Helena arrivait sur la terrasse. Il se
levait :
    — Vous avez froid ? demandait-il.
    — Tu te souviens, disait-elle à Frédéric, cette
terrasse, les heures ici, le matin…
    Elle s’asseyait, à l’écart, Peggy allait et venait, Gustav
guettait le visage d’Helena, hésitait à poursuivre, commençait avant même
d’évoquer ses projets par dire :
    — Vous êtes des aristocrates russes, et je suis un
marchand, je sais le sort que les tsars ont réservé aux marchands.
    — Votre hôtel ? demandait Karenberg.
    Helena entrait dans la bibliothèque, prenait un livre,
revenait, le feuilletait.
    — Je vais l’appeler l’hôtel Impérial, nous attirerons
les Russes, les Allemands, les Autrichiens bien sûr, et donc, les Français,
plus tard, nous aurons même les Anglais et les Américains.
    — Je ne vous comprends pas, votre fortune, vous…
    — Voulez-vous, vous aussi, que je vive de mes rentes,
c’est une agonie, ce n’est pas une vie.
    Gustav s’emportait, marchait sur la terrasse, ne regardait
pas Helena.
    — Il y a trois activités, il n’y en a que trois, le
sabre, l’esprit, l’or. Je hais le sabre, je le hais, Karenberg, plus que vous.
Je sais ce qu’est la guerre, je ne l’ai pas vécue, mais d’autres, que j’aimais,
l’ont vécue. Avec le sabre, on éventre et cela s’est fait, et cela se fait.
L’esprit ?
    Il montrait la ville, au loin.
    — Ici ? continuait-il. Il faut un terreau, ici
l’on jouit, Karenberg, on joue, on gaspille. Que voulez-vous qu’il me reste ?
L’or. Je vais faire de l’or. Vous pourrez dire en bon aristocrate russe que je
suis un marchand juif. J’en suis assez fier.
    — Marx était juif, mon cher Hollenstein. Dites

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