Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
certaines
pleuraient, d’autres, quand elles virent la statue de la Vierge, se
précipitèrent pour la toucher, l’une criant « Couma es bella », comme
elle est belle. Lisa fut tentée de s’agenouiller aussi, mais Louise, d’une
pression du bras, la retint, l’entraîna, répétant :
    — Viens maman, viens.
    Elles remontèrent toutes deux la rue Cassini vers la place
Garibaldi, bras dessus, bras dessous, Lisa sentait la colère de sa fille la
gagner aussi, sans qu’elle réussisse pourtant à en deviner les causes. Comme
elles arrivaient sur la place, Louise, brutalement, retira son bras.
    — Ils auraient dû prier avant, empêcher, maintenant,
qu’est-ce qu’ils veulent, qu’on en tue encore ? Ils ne me le tueront pas,
commença Louise, je préfère le tuer moi !
    Le repas de noces de Lisa dans la cour de la pension Oberti,
cette phrase qu’elle avait dite à Carlo « Je le tuerai avec ces mains »
et qu’elle entendait maintenant, que Louise retrouvait, seule, si longtemps
après. Lisa eut envie de se signer, mais elle n’osa pas. Elle était fière et
elle avait peur de Louise.
    — Ne dis pas ça, murmura-t-elle simplement.
    — Et pourquoi ? Ils prient parce qu’ils sont
morts. C’est avant. Je le voulais vivant, maman, vivant.
    Louise éclata en sanglots.
    Lisa la prit dans ses bras, la berça tout en marchant.
    — Ma fille, disait-elle, ma fille chérie, tu verras avec
lui.
    Lisa entendait une autre voix en elle, aiguë, tenace, comme
un insecte qui tente de percer, creuse inlassablement. Louise n’était pas
mariée, quel serait le nom de cet enfant qui allait naître ? Elle avait
honte. Et elle était heureuse, qu’avant de mourir, Millo, avec Louise… avant de
mourir. Elle serra sa fille contre elle.
    — Il sera beau cet enfant, dit-elle. Tu peux être
fière.
    Le lendemain matin, Lisa alla acheter le journal comme elle
en avait pris l’habitude. Il y avait peu de nouvelles du front. Rien sur la
guerre en mer. Elle essaya de comprendre un article imprimé en caractères gras.
Elle lut plusieurs fois les premières phrases : « La guerre
meurtrière et détestable a ses bienfaits. Elle rapproche les hommes d’un même
pays, fait tomber les haines de classes et les rancunes de partis. L’homme
devient ainsi meilleur. La guerre a réalisé ce miracle… »
    Lisa s’arrêta. Elle se frotta les mains à son tablier,
laissa le journal sur la table sans le replier. Parfois, dans la matinée,
allant de la cuisinière au buffet, elle relisait les dernières phrases : « L’homme
devient meilleur… La guerre a réalisé ce miracle… »
    À midi, Antoine rentra, s’étonnant que la table ne fût pas
mise.
    — Jette-le, dit Lisa en montrant le journal. Jette-le
au feu.
    Antoine regarda sa mère.
    — Jette-le, cria-t-elle.
    Elle avait crié avec tant de passion qu’Antoine fit une
boule du journal, le poussant avec le pique-feu dans le foyer. Lisa essuya longuement
la table, puis disposa les assiettes et servit son fils et Violette.
31
    Sabre au clair, le cheval faisant des écarts, le commandant Ritzen
précédait le bataillon de quelques mètres. Pas de musique, mais le martèlement
des pas. Le cheval se mit de biais et Ritzen put voir, jusqu’au bout de la
Promenade, vers le château, les chéchias rouges des Sénégalais. Il partait
enfin. Dès la déclaration de guerre, il avait demandé à être mobilisé, mais le
préfet s’y était opposé.
    — Plus tard Ritzen, pour l’instant, je télégraphie au
ministre que je vous garde, vous êtes le seul à connaître la ville, je veux
savoir comment elle réagit.
    Ritzen n’était pas inquiet. Les rapports des indicateurs
étaient convergents. L’assassinat de Jaurès avait provoqué la stupeur. Des
groupes s’étaient formés devant l’ Éclaireur et le Petit Niçois, commentant
la nouvelle, mais sans manifester. Le bureau du syndicat s’était réuni à la
Bourse du travail. Sauvan pleurait en lisant le texte de la résolution « …
le crime monstrueux… ». Ils avaient attendu les décisions de Paris, mais
en quelques heures, le climat avait changé dans la capitale. La CGT acceptait
la guerre. Jouhaux, l’un de ses dirigeants, condamnait l’assassinat de Jaurès
et invitait à « l’Union des patriotes pour défendre la République et les
droits de l’homme ». La Bataille Syndicaliste dont Ritzen recevait
du ministère des extraits, avant même qu’elle parvînt à Nice, donnait déjà

Weitere Kostenlose Bücher