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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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elle
roulait, s’éloignait enfin. Philippe devait l’attendre, mais elle avait besoin
d’être seule, et elle prit le bord de mer, la route qu’elle suivait souvent
avec lui quand, le soir, ils partaient, en bande, Rex, Katia, Marcel, Liliane,
pour Juan-les-Pins.
    On dînait au Viking, sur la plage, harengs, crème
fraîche, saumon, vin blanc sec. Rex levait son verre, demandait à l’orchestre
de jouer la Marseillaise, puis tout le monde, à minuit, courait vers la
mer. On finissait la soirée à la Cage à poule, Rex embrassait Mistinguett,
s’asseyait un moment à la table de Chaplin, puis revenait, prenait Katia par le
cou, disait : « On vit, on vit ! Tu sens la vie, Katia ? »
    On rentrait à l’aube, roulant vite sur la ligne droite des
plaines d’Antibes. Un café, au comptoir, dans un bar du port, alors que les
dockers arrivaient, et Violette, dès qu’ils entraient, leurs bleus de travail
raidis par la sueur, les sacs de jute taillés en forme de capuche posés sur les
épaules, entraînait Philippe.
    Elle avait loué le rez-de-chaussée d’une villa, à Cimiez.
Ils garaient la voiture devant le portail, traversaient le parc en s’appuyant
l’un à l’autre, reconnaissant leurs corps. Puis, sans un mot, dans la chambre
aux persiennes closes, ils jetaient sur le tapis de laine blanche les vêtements
de la nuit. Violette s’allongeait la première, écoutant les oiseaux qui
pépiaient, voletaient d’un olivier à l’autre, et la vibration des ailes, le
froissement des feuilles étaient perceptibles jusqu’au moment où le soleil
noyait tous les bruits, éclatait, et blanchissait, à travers les fentes des
persiennes, le plafond, au-dessus du lit. Ce lit où, bras écartés, aisselles
humides, Violette se laissait aimer.
    Ils dormaient jusqu’à la fin de la matinée. Violette se
réveillait la première, regardait Philippe, nu, son bras qui tombait le long du
lit. Elle partait souvent avant lui, une présentation de mode à Cannes, la
préparation du concours d’élégance de Monte-Carlo. Elle le retrouvait plus
tard, aux studios de la Victorine, sur le plateau, quand elle apparaissait dans
une scène et que, derrière la caméra, il lui faisait un signe de
reconnaissance.
    Il était attentif à elle, doux, la voix égale, silencieux,
et cela la changeait de Dante, d’Antoine ou de Barnoin, bavards, gueulards. Et
pourtant, peu à peu, elle s’éloignait de lui, comme s’il n’avait été qu’un
moment de sa vie, un rivage hospitalier qu’il faut quitter si l’on veut
continuer la route.
    À plusieurs reprises il avait essayé de la retenir. Il y
avait deux ans pour la première fois. Ils revenaient du Palais de la Méditerranée.
Elle était joyeuse, peut-être le champagne, ou cette rencontre inattendue, cet
homme vieux, à peine voûté, le visage émacié, la peau brune sous les cheveux
blancs ondulés, grand. Il s’approchait d’elle, et elle cherchait, il
ressemblait à… Il s’arrêtait devant elle, ignorait Philippe, hochait la tête :
    — Tu es le portrait de ta mère, disait-il, mieux.
    Elle se tournait, surprise, vers Philippe, l’interrogeant du
regard.
    — Nous sommes deux Revelli, ici, deux, toi et moi,
continuait le vieux.
    Il montrait la foule des invités :
    — C’est moi qu’on fête. Soixante-dix.
    Le maire commençait à parler, célébrait les mérites de
l’entreprise qui avait : « … en un délai record, pour que la saison
d’hiver ne soit pas gênée, et que la saison d’été, ce nouvel oxygène de notre
région, puisse nous apporter un sang neuf en ces temps qui ne sont pas faciles,
l’entreprise qui a réussi à ouvrir cette deuxième voie sur la plus belle des
promenades du monde, notre concitoyen… ».
    — Alors, tu es ici, toi aussi ? On m’a dit que tu
étais ma nièce.
    Quelqu’un prenait Carlo Revelli par le bras : « Il
va falloir que vous disiez quelques mots. » Carlo secouait le doigt :
« Pas moi, non, non, je parle pas. » Il clignait de l’œil à Violette :
    — Dis à ton père que je suis vivant. Il va bien,
Vincente ?
    Il faisait quelques pas, se retournait :
    — Viens me voir si tu as besoin.
    Le champagne ou cette rencontre, Violette était joyeuse.
Elle racontait à Philippe : « Cet oncle, c’est celui qu’on ne voit
jamais, mais on en parle, on sait qu’il est riche, comme s’il était parti en
Amérique. Il y a l’autre, aussi, Luigi. Lui, c’est le mauvais côté, un

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