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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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prix fixe et petits pourboires.
    Carlo était assis sur la terrasse de l’Hôtel Impérial,
observant ces premiers estivants, foule à la fois timide et exubérante, les
hommes qui interpellaient leur femme avec de grands gestes, des rires bruyants.
« T’as vu ? »
    — Je crois que je vais débaptiser mon hôtel, disait
Hollenstein. L’Hôtel populaire, c’est plus adapté aux circonstances, n’est-ce
pas ?
    — Pourquoi pas ? disait Alexandre. Il y a plus de
femmes de mineurs ou d’ouvriers que de reines ou de vedettes ?
    Gustav Hollenstein avait un hochement de tête protecteur et
amusé.
    — Mais oui, mon cher Alexandre, mais oui. Vive le Front
populaire. Vive Blum. On donne ceci, cela. J’attends la suite. Suivez la
Bourse, ce qui se passe en Espagne. Ici même, votre oncle… Vous m’excusez,
Revelli, je peux parler franchement ?
    Carlo faisait un signe à Hollenstein.
    — Mon frère ? Luigi ? demandait-il. Allez-y,
allez-y.
    Hollenstein se penchait vers Carlo et Alexandre :
    — Quand les politiciens se mêlent au monde que
fréquentait Luigi Revelli, croyez-moi…
    — Les patrons de bordels ont toujours fait de la
politique ici, disait Carlo.
    — Pas à ce point, Revelli. D’ailleurs, est-ce que c’est
encore de la politique ? Du gangstérisme. J’ai rencontré récemment, chez
un ami de votre nièce, Violette, un exilé allemand. Les gangsters, les
souteneurs ont fait de la politique en Allemagne. Vous voyez le résultat ?
En France, à Nice.
    Carlo se levait, appuyait ses deux poings sur la table :
    — Vous ne voulez pas racheter ces hôtels avec moi, en
somme ?
    — Je ne peux pas vous suivre, mon cher, et franchement –
Hollenstein montrait la Promenade des Anglais, la foule – avec cette évolution,
non vraiment. Et puis, pour qui, pour quoi ? Nathalie ? Yves ?
Il posait sa main sur le bras d’Alexandre. Les enfants sont déjà bien pourvus ?
Et il y a Alexandre, alors ?
    Carlo mordillait un morceau de réglisse, mince tige fibreuse
qu’il gardait au coin de la bouche, manière de s’empêcher de trop fumer.
    — Un jour, Hollenstein, disait-il, je vous rachèterai
votre part de l’Hôtel des Iles, et même ça, l’Hôtel Impérial.
    Il entraînait Alexandre à Cimiez, à Cannes. Ils parcouraient
les couloirs obscurs des hôtels vides. Leurs voix se perdaient dans les hautes
cages d’escaliers, résonnaient sous les verrières, et leurs pas s’enfonçaient
dans les moquettes lie-de-vin.
    — Tu crois qu’on peut transformer ça ? demandait
Carlo.
    Il poussait les volets, s’adossait à la façade, découvrait
la ville au delà de l’écume des palmiers, l’arc de la baie.
    — Ça, disait Carlo, si c’est pas demain, ce sera, je ne
sais pas quand ? qui ? mais quelqu’un, ça, cette baie, voudra
toujours la voir.
    Alexandre regardait les plafonds ornés de volutes, les
planchers de chêne, les portes à double battant.
    — Ils savaient travailler, disait-il.
    — Quand on était en haut – Carlo montrait les
toits – tout en haut de l’échafaudage, et qu’on voyait la ville, les
femmes dans les fiacres, en bas, on était des ouvriers, mais on était fiers,
fiers, comme si on était les maîtres.
    Ils traversaient tous les deux, seuls, une longue suite de
chambres. Alexandre, pour dissimuler l’émotion qui le serrait, cette vie qui
s’achevait, ce travail accompli comme une guerre acharnée que son père aurait
faite, et qui allait se dissoudre, poussière dispersée, et il aurait voulu
garder contre lui ces souvenirs, les préserver de la mort, mais pouvait-il
prendre son père par les épaules, l’embrasser, lui dire, dire quoi ? « Ne
meurs pas. »
    Il revenait vers Carlo.
    — On peut transformer, disait-il. Tu montes une cloison
là, on ne touche pas aux murs maîtres bien sûr. Le seul problème, les cuisines.
    Il ouvrait un placard, faisait des gestes, du bruit, lançait
des mots, pour qu’entre eux, quelque chose, ce tumulte de projets, dissimule
l’émotion.
    — On prend cette pièce, continuait-il. Avec trois
maçons, quelques sacs de ciment, des briques, rien.
    Il calculait, riait :
    — Douze appartements par étage.
    — Alors j’achète, disait Carlo, j’achète.
    Ils retrouvaient le parc, la voiture, se tournaient vers la
façade, rosaces, verrières, clochetons, architecture prétentieuse comme une
singerie bourgeoise et laborieuse du baroque. Alexandre s’attardait :
l’hôtel vide n’était

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