No Angel
appeler ?
Bip.
C’est moi. Es-tu en vie ? Pour la plupart des épouses, c’est une question rhétorique, mais dans notre cas… s’il te plaît, appelle.
Bip.
Tu déconnes, Jay. J’ai appelé Joe, donc je sais que tu es toujours vivant. Jack s’est battu pour défendre une petite fille attardée qui porte des lunettes. Donc, bien que son père feigne d’être un criminel, tu as dû agir comme il faut. L’arrosage est toujours en carafe. La pelouse va mourir. C’est ta faute. Inutile d’appeler.
Bip.
Je les effaçai tous.
Soudain, Timmy se tourna vers moi.
— Ils arrivent.
J’éteignis mon téléphone et le fourrai dans ma poche. Je glissai le pistolet sous ma cuisse et j’allumai une nouvelle cigarette.
Timmy toussa silencieusement dans un poing. Le calme de ce salaud !
J’entendis deux voitures et une moto. Le moteur de la moto toussa avant de s’arrêter. Les portières des voitures claquèrent. Pas sur le gravier. Toc, toc, toc. Timmy ouvrit la porte et s’effaça.
Je ne me levai pas.
Teddy entra le premier, tirant sa bouteille d’oxygène derrière lui. Il eut du mal à gravir les marches étroites du perron et à franchir l’encadrement tout aussi étroit de la porte. Ses yeux étaient graves. Il donna l’accolade à Timmy et l’embrassa avec bruit sur les deux joues.
Rudy le suivit. Son visage était rouge et ses yeux gonflés. Il avait pleuré… il aimait sincèrement Pops. Il donna l’accolade à Timmy et serra un peu trop longtemps les manches de son blouson. Ce type était l’incarnation de la contradiction : un Hells Angel violent réduit aux larmes.
Puis ce fut Bobby. Avec ses lunettes de soleil. Il serra Timmy dans ses bras et l’embrassa sur les deux joues. Puis il se tourna vers moi et je me levai, veillant à éviter de faire tomber mon arme sur le plancher. Mon corps la cachait. Il me donna également l’accolade.
Joby ferma la marche. Il nous donna l’accolade et nous embrassa. Je me rassis.
Nous étions six, presque tous très robustes, dans le séjour du mobile home. Les gars sentaient la bière. Je sentais la cigarette. Timmy sentait le Devon, qui sent le fond de teint bon marché et la chatte. L’odeur d’ensemble était celle du Pinion Pines, la boîte de strip-tease.
Teddy s’assit et alluma une longue cigarette marron. Timmy ferma la porte et prit position derrière tout le monde. Rudy frotta vigoureusement son crâne rasé tandis que Bobby se balançait légèrement d’avant en arrière. Joby demeura parfaitement immobile.
Teddy tira une bouffée et souffla par les narines. La fumée entoura les tubes qui sortaient de son nez et pénétra à l’intérieur. Il garda le silence mais hocha sèchement la tête, indiquant ainsi qu’il voulait savoir ce qui se passait.
Ça me parut incroyable, mais ils avaient peur. Je me sentis soudain euphorique. L’adrénaline et la menace de la mort le cachèrent.
Je pris le carton de FedEx posé par terre et le plaçai sur la table, entre Teddy et moi. Joby se pencha et le prit.
Je leur racontai l’histoire de Pops, qui était impatient de faire ses preuves et voulait à tout prix effacer les humiliations qu’il avait supportées. Je leur racontai qu’il avait tenté de s’occuper du Mongol avant notre arrivée et qu’il avait été abattu dans une cantina mexicaine. Je dis qu’on l’avait enterré avec une bouteille de Jack Daniels et un morceau de papier sur lequel était écrit : Pops, AFFA, Angels Toujours, Toujours Angels, on t’aime. Je racontai que le lendemain soir, Timmy et moi on avait attendu que ce pédé de Mongol regagne sa chambre de motel minable. Je racontai qu’on avait fait ce qu’il fallait, qu’on avait murmuré l’ancienne devise des Solos, Jésus hait les gonzesses, puis qu’on avait frappé à la porte du type ; qu’il avait ouvert, son blouson toujours sur le dos, et avait demandé : « que es, putain ? », qu’on l’avait assommé avec ma batte, qu’on lui avait cassé les bras et les genoux comme des ailes de poulet, qu’on l’avait ligoté avec de l’adhésif, qu’on l’avait bâillonné avec un caleçon sale, qu’on l’avait enroulé dans le tapis de la chambre de motel et fourré dans le coffre de la Cougar. Je leur racontai qu’on avait roulé longtemps, puis qu’on l’avait sorti du coffre et traîné jusqu’à une rivière à sec, en plein désert. Je leur racontai qu’on lui avait dit que les Hells Angels le tuaient. J’ajoutai que
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