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No Angel

Titel: No Angel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jay Dobyns
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quelques minutes, j’oubliai tout.
    Puis je pris le métro et regagnai mon hôtel de Brooklyn.
     
    Je rentrai le 13 septembre. J’atterris à Tucson, pris ma voiture et allai chez moi. Je ne m’y sentis pas bien. Tout ce que je fis dans la maison, je le fis mal. Je tondis la pelouse, en oubliai une partie, y laissai des touffes de hautes herbes. Gwen me fit des reproches. Je savais que quelque chose n’allait pas. Le moi d’avant – le vrai moi ? – aurait corrigé les erreurs. Le moi d’à présent s’en fichait. Il n’avait qu’une envie : reprendre le travail.
    L’après-midi précédant mon départ, Dale invita des amies à jouer dans la piscine. Je les regardais, en maillot de bain – petites filles de douze et treize ans, au seuil de l’adolescence –, mais ne pouvais m’enlever de la tête l’image de ces femmes qui traînaient avec les motards, les compagnes, les filles, les putains. J’étais persuadé de pouvoir comprendre pourquoi la vie de ces femmes différait de celle de Dale et de ses amies, pourquoi certaines se retrouvaient dans un clubhouse de Hells Angels, vendaient de la drogue, attendaient que leur mec arrive puis exige – et obtienne – une pipe ou autre chose, n’importe quoi. Je savais, avec une certitude absolue, qu’elles avaient eu un père qui ne s’était jamais occupé d’elles, qui ne leur avait jamais manifesté d’amour (ou leur avait trop manifesté un amour déplacé), qui ne leur avait jamais dit qu’elles comptaient. Un malaise m’envahit en regardant ma fille jouer avec ses amies, tandis que ces spectres me hantaient. J’eus de la peine en pensant que, avec de la malchance et quelques mauvaises décisions, il était possible, quoique improbable, qu’une des petites filles qui s’amusaient dans la piscine se retrouve, dans quelques années, dans une situation comparable à celle de ces femmes.
    J’appelai Dale, l’obligeant à renoncer provisoirement à ses jeux. Elle dut sortir de la piscine et n’avait pas la moindre envie de faire quelque chose pour son papa. Elle demanda d’une voix plaintive :
    — Qu’est-ce qu’il y a, papa ?
    Quand elle s’immobilisa devant moi, je dis :
    — C’est important, Shoey…
    Quand Jack était petit, il ne pouvait pas dire « sister », qu’il prononçait « sheshu ». Gwen avait transformé cela en Shoey et c’était devenu le surnom de Dale.
    — Donc écoute attentivement, d’accord ?
    Une hanche impatiente en avant, elle leva les yeux au ciel.
    — J’ai quelque chose à te dire, d’accord ? Il faut que je le fasse.
    — Tout de suite ? C’est à propos des garçons ?
    — Ce n’est pas à propos des garçons, pas vraiment. C’est plutôt à propos de toi. Écoute bien. Ne fais jamais, absolument jamais, ce que tu n’as pas envie de faire, sous prétexte que quelqu’un te dit de le faire. Si quelqu’un veut obtenir de toi quelque chose que tu ne veux pas donner, ne le donne pas, tu comprends ?
    Elle garda le silence. C’était trop maladroit. Au moment même où je lui tenais ces propos, je compris que Gwen allait devoir clarifier le message plus tard.
    — Je veux simplement dire que, pour toi-même, tu es la personne la plus importante du monde. Si tu te comportes avec respect et détermination, tout ira bien. Les autres ne te respecteront pas si tu ne te respectes pas, tu piges ?
    — Je crois, papa.
    — N’oublie pas. Tu n’as qu’une réputation : veille sur elle et protège-la. Ne laisse personne te dire ce que tu dois faire.
    Elle se redressa et eut un sourire espiègle.
    — Mais tu es toi-même en train de me dire ce que je dois faire !
    — Petite maligne ! Écoute ton père sur ce point, d’accord ?
    — D’accord.
    Elle me tourna le dos et courut rejoindre ses amies. Ses pieds mouillés claquèrent sur le dallage du patio.
    — Je t’aime, Shoey.
    Elle s’arrêta, se retourna, me foudroya du regard, puis s’éloigna plus vite encore. Ses amies riaient.
    Le reste de la journée et la nuit se traînèrent. Je ne pouvais chasser l’affaire de mes pensées. Ce soir-là, je jouai à la balle avec Jack et la laissai échapper à plusieurs reprises. Plus tard, on ne fit pas l’amour Gwen et moi, ce qui en soi n’aurait pas été exceptionnel si elle ne me l’avait pas fait remarquer. Le sexe ne m’avait même pas traversé l’esprit.
    Quand je montai en voiture, le lendemain matin, Jack me donna à nouveau deux cailloux. Il sourit

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