No Angel

l’arrestation de Rudy Kramer était un contrôle routier de routine, quoique préparé, qui avait conduit à l’arrestation de notre président sous notre nez. Ils ne pouvaient croire que c’était une partie préméditée du plan de Slats destiné à éliminer le maillon faible de notre chaîne.
    Rudy avait été exclu de Black Biscuit.
    Je ne l’ai pas revu.

20
 
HELLO, JJ
    Novembre 2002
     
    Le soir de l’arrestation de Rudy, j’appelai Teacher, le président des Solos américains, à LA, et lui racontai ce qui était arrivé. Je dis que j’étais devenu président des Solos d’Arizona à l’instant où les menottes s’étaient refermées sur les poignets de Rudy. Il répondit que ça lui allait du moment qu’on continuait de payer les cotisations. Je lui dis de ne pas s’inquiéter. Ensuite, j’appelai Bad Bob et Smitty, leur annonçai que j’étais président par intérim jusqu’à ce que la situation de Rudy soit éclaircie. Il me fallut agir comme si son sort était incertain et comme si, étant théoriquement son allié, j’espérais qu’il s’en sortirait.
    Je savais qu’il ne s’en tirerait pas. Et je savais que mon nouveau poste était permanent.
    L’étape suivante fut notre nouvelle équipière. Le 5 novembre, en compagnie de Pops, j’allai la chercher à l’aéroport de Phoenix. On prit la Mercury et on la retrouva à la livraison des bagages. Elle portait un jean noir, un T-shirt blanc, et arborait un sourire californien. Ses cheveux blonds étaient coiffés en queue de cheval avec un gros chouchou noir et sa frange touchait le haut de ses sourcils. Une jeune Américaine, jolie, en excellente santé, pleine d’innocence, d’enthousiasme et d’assurance. Ce n’était pas une comédie… JJ était une femme bien et j’avais besoin d’une femme bien. Nous avions estimé qu’elle serait moins convaincante si elle évoquait trop une traînée comme celles qui fréquentent les motards. Une des règles essentielles de l’infiltration consiste à mentir aussi peu que possible et, malgré ce que vous croyez peut-être, à être soi-même. JJ était authentique, je le voyais et j’étais convaincu que les Angels le verraient aussi.
    Pops attendit son sac pendant qu’on bavardait. Je dis :
    — Tu fais plaisir à voir.
    Elle sourit.
    — Tu as une dégaine de merde.
    J’étais habillé comme d’habitude, hormis mon blouson des Solos et mes flingues. On était à l’intérieur, mais je n’avais pas ôté mes lunettes de soleil. Je portais un bonnet de ski noir sur le devant duquel SERIAL KILLER était brodé. Je dis :
    — Formidable. Tu seras vite acceptée.
    — Je l’espère.
    Nous l’avions briefée par téléphone depuis l’arrestation de Rudy. Nous lui avions fourni les informations de base : les zones où nous opérions, les noms des suspects principaux, le type d’affaires que nous traitions. Au cours d’une conversation, Slats avait indiqué que nous avions besoin de davantage de drogue. J’ajoutai que nous avions obtenu de bons résultats dans les domaines des armes et des implications dans le cadre de la loi sur le crime organisé, mais que nos achats de drogue étaient généralement modestes : quelques grammes de cocaïne, quelques dizaines de grammes de marijuana, quelques douzaines de cachets. Slats dit à JJ qu’il espérait qu’elle nous permettrait de nous procurer davantage de came.
    — Pas de problème, répondit-elle.
    On passa à sa couverture. On veilla à ce qu’elle corresponde à ce que Smitty et Lydia savaient sur elle : nous étions sortis ensemble quelques années auparavant et, depuis que nous nous étions rencontrés par hasard à La Jolla, elle avait effectué deux ou trois livraisons, pour mon compte, au sud de la frontière. Les livraisons s’étaient bien passées et nous avions renoué. Nous ne savions pas encore si nous allions vivre ensemble, mais nous étions assez proches pour qu’elle commence de passer les week-ends dans le désert et de retourner dans l’Ouest, où elle travaillerait pour moi et mes associés, les Solos de Californie, pendant la semaine. Afin de conférer une certaine crédibilité à tout cela et qu’elle ne semble pas débarquer de la lune, on décida de rester un peu plus longtemps à Bullhead, où les gens qui l’avaient déjà rencontrée auraient l’occasion de mieux la connaître et pourraient ensuite expliquer son apparition soudaine à l’autre bout de l’État.
    Une fois