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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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n’est pas exaucé. C’est vrai, je n’y arrive pas. Ne perds pas de temps,
ma chère petite. Écris pour que la lettre parte tout de suite. Ensuite, il pourra
être ici... ici dans vingt-deux jours ! Car il viendra, assurément. Ni les
cordes ni les chaînes ne pourront l’en empêcher. Dans vingt-deux jours, je verrai
mon fils.
    Elle retomba sur ses coussins et pendant quelques instants, ne
prêta aucune attention à Margaret assise, immobile, une main en abat-jour sur les
yeux.
    — Tu n’es pas en train d’écrire ! s’exclama enfin sa
mère. Apporte-moi une plume et du papier ; je vais essayer d’écrire moi-même.
    Elle se mit sur son séant ; une impatience fébrile la faisait
trembler des pieds à la tête. Margaret ôta sa main et regarda sa mère avec tristesse.
    — Attendez seulement que papa revienne. Demandons-lui la
meilleure marche à suivre.
    — Margaret, tu as promis il n’y a pas un quart d’heure ;
tu as dit qu’il viendrait !
    — Et il viendra, maman. Ne pleurez pas, maman chérie. Je
vais écrire, là, maintenant, vous me verrez écrire, et la lettre partira par le
prochain courrier. Et si papa le juge bon, il écrira quand il arrivera, cela ne
fait qu’un jour de délai. Oh, maman, c’est pitié de vous voir pleurer ainsi, cela
me crève le cœur.
    Mrs Hale ne put arrêter ses larmes ; elles jaillissaient
convulsivement et, à la vérité, elle ne faisait aucun effort pour les maîtriser,
mais au contraire, évoquait tous ses souvenirs heureux, et l’avenir probable – décrivant
la scène où elle ne serait plus qu’un cadavre, sous les yeux de son fils en larmes,
à la présence duquel elle ne serait plus sensible – jusqu’à ce que l’attendrissement
sur elle-même l’eût réduite à un tel état d’épuisement, à force de sangloter, que
Margaret en eut le cœur serré. Enfin, elle se calma et observa avidement sa fille
qui commençait la lettre ; l’écrivait sur un ton d’insistance urgente ;
la fermait précipitamment, de peur que sa mère ne demande à la lire ; et, pour
plus de sûreté, à la demande de Mrs Hale, elle la porta elle-même à la poste.
Elle revenait à la maison lorsque Mr Hale la rattrapa.
    — Où étais-tu donc, jolie demoiselle ? [60]
    — À la poste... pour envoyer une lettre ; une lettre
à Frederick. Oh, papa, peut-être n’aurais-je pas dû, mais maman a été prise d’une
envie de le voir si insistante – elle a dit que cela la guérirait – et puis elle
a dit qu’il fallait qu’elle le voie avant de mourir. Vous ne pouvez-vous imaginer
comme elle s’est montrée pressante ! Ai-je mal agi ?
    Mr Hale ne répondit pas tout de suite.
    — Tu aurais dû attendre que je rentre, Margaret, dit-il
enfin.
    — J’ai essayé de la persuader...
    Elle ne poursuivit pas.
    — Je ne sais que penser, dit Mr Hale après un silence.
Il faut qu’elle le voie si elle y tient tant, car je crois que cela lui ferait beaucoup
plus de bien que tous les médicaments du médecin – et peut-être cela la remettrait-il
d’aplomb ; mais le danger que cela représente pour Frederick est hélas très
grand.
    — Même toutes ces années après la mutinerie, papa ?
    — Oui. Il est évidemment indispensable que le gouvernement
prenne des mesures draconiennes pour réprimer les outrages à l’autorité, surtout
dans la marine, où un officier commandant se doit d’apparaître, aux yeux de ses
hommes, investi de tout le pouvoir qui existe dans sa patrie pour le soutenir, défendre
sa cause et venger tous les torts qui lui sont faits, le cas échéant. Ah, peu leur
importe que leurs autorités se soient montrées tyranniques, provoquant jusqu’à la
folie des caractères prompts à réagir ; au reste, si ladite tyrannie peut constituer
une excuse ultérieurement, elle n’est jamais prise en compte en premier lieu ;
ils n’épargnent aucune dépense, envoient leurs bateaux dans le monde, écument les
mers pour mettre la main sur les coupables, sans que le passage des années efface
le souvenir des offenses commises : le crime reste frais en mémoire et toujours
d’actualité sur les registres de l’Amirauté tant qu’il n’est pas lavé dans le sang.
    — Oh, papa, qu’ai-je fait ! Pourtant, sur le moment,
cela semblait s’imposer. Je suis sûre que Frederick lui-même courrait le risque.
    — Certainement ! Et c’est bien ainsi. Oh, Margaret,
je n’aurais pas osé prendre moi-même l’initiative, mais je

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