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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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    Cet après-midi-là, Margaret se rendit d’un bon pas chez les Higgins.
Mary guettait son arrivée, le visage méfiant. Margaret lui sourit pour la rassurer.
Elles traversèrent rapidement la salle commune, gravirent l’escalier et entrèrent
dans la chambre où la morte reposait, sereine. Alors, Margaret se félicita d’être
venue. Sur ce visage, souvent si creusé par la douleur, si troublé par mille pensées
inquiètes, apparaissait maintenant le léger sourire du repos éternel. Des larmes
montèrent lentement aux yeux de Margaret, mais un calme profond lui emplit l’âme.
C’était donc cela la mort ! Elle semblait plus paisible que la vie. De beaux
passages des Saintes Écritures lui vinrent à l’esprit : « Ils se reposent
de leurs labeurs. » « Ils sont entrés dans le repos du Seigneur. »
« Le Seigneur donne le sommeil à ses bien-aimés. »
    Lentement, très lentement, Margaret se détourna du lit. Mary
sanglotait tout bas près du mur de la chambre. Elles redescendirent sans un mot.
    Nicholas Higgins se tenait debout au milieu de la salle commune,
les mains appuyées sur la table, les yeux largement écarquillés, frappé de stupeur
par la nouvelle que de nombreuses langues trop déliées lui avaient apprise tandis
qu’il traversait la cour. Il avait le regard sec et fixe ; assimilant la réalité
de la mort, s’efforçant de comprendre que jamais plus Bessy ne serait une présence
familière dans sa maison. Elle était en mauvaise santé et à l’article de la mort
depuis si longtemps qu’il s’était persuadé qu’elle ne mourrait jamais, qu’elle « finirait
par s’en sortir ».
    Margaret eut le sentiment que sa présence était déplacée, qu’elle
n’avait pas le droit de se familiariser avec une mort que lui, le père de la défunte,
venait seulement d’apprendre. En l’apercevant, elle s’était arrêtée un instant dans
l’escalier raide et tortueux ; mais maintenant, elle essayait de passer sans
attirer son regard absent, afin de ne pas le distraire de l’affliction solennelle
de ce malheur familial.
    Mary s’assit sur la chaise la plus proche et, se couvrant la
tête de son tablier, se mit à pleurer.
    Le bruit le sortit de sa stupeur. Il saisit le bras de Margaret
avec brusquerie et ne le lâcha plus, attendant de pouvoir articuler quelques mots.
Il semblait avoir la gorge sèche, et quand il parla, ce fut d’une voix rauque et
sourde, et les mots se bousculèrent :
    — Vous étiez avec elle ? Vous l’avez vue mourir ?
    — Non, répliqua Margaret, qui resta immobile, prête à toutes
les patiences maintenant qu’il avait remarqué sa présence.
    Il ne reprit pas tout de suite la parole, mais ne desserra pas
son étreinte.
    — Tous les hommes doivent mourir, dit-il enfin avec une
étrange gravité, qui fit d’abord croire à Margaret qu’il avait bu, pas assez pour
s’enivrer, mais assez pour ne plus avoir les idées très claires. Mais elle était
plus jeune que moi.
    Il continua à réfléchir, sans regarder Margaret, dont il comprimait
toujours le bras. Soudain, il leva vers elle un regard inquisiteur et hagard :
    — Vous êtes sûre et certaine qu’elle est morte, qu’elle
s’est pas seulement trouvée mal ? Ça lui est arrivé tellement souvent.
    — Elle est morte, répondit Margaret.
    Elle n’éprouvait aucune crainte à lui parler, malgré son étreinte
convulsive et les lueurs de folie qui traversaient de temps en temps son regard
hébété.
    — Elle est morte, répéta-t-elle.
    Il continua à fixer sur elle le même regard inquisiteur, dont
l’intensité semblait s’évanouir à mesure qu’il l’observait. Puis, soudain, il la
lâcha et s’affala sur la table, qu’il ébranla ainsi que tous les autres meubles
de la pièce par la violence de ses sanglots. Mary s’approcha de lui en frissonnant.
    — Va-t’en ! Va-t’en, cria-t-il, en donnant des coups
de poings désordonnés et aveugles dans sa direction. Tu crois que tu comptes pour
grand-chose, toi ?
    Margaret prit la main de la jeune fille et la tint doucement
dans la sienne. Higgins s’arracha les cheveux et se tapa la tête contre le bois
dur de la table jusqu’à ce qu’enfin, il retombe, épuisé et anéanti. Sa fille et
Margaret ne bougèrent toujours pas. Mary tremblait de la tête aux pieds.
    Enfin, au bout d’un temps indéterminé – un quart d’heure, une
heure peut-être –, il se releva. Il avait les yeux gonflés et injectés

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