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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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et
m’apprendre ce que les mots veulent dire, sans me savonner la tête si je suis un
peu bête ou si j’oublie le pourquoi du comment, je finirai peut-être par la voir,
cette vérité. Mais c’est pas dit. Vous me ferez jamais admettre que je finirai par
penser comme tout le monde. Et puis je crois pas que la vérité, on peut la mettre
en mots, comme ça, et la tailler à l’équerre comme les ouvriers de la fonderie vous
découpent une feuille de tôle. Tout le monde avale pas de la même façon. Y en a
pour qui ça coince ici, et pour d’autres là. Sans compter qu’une fois la potion
avalée, certains vont la trouver trop forte et d’autres pas assez. Ceux qui cherchent
à guérir le monde avec leur vérité, ils feraient bien de trouver des mots différents
pour la faire comprendre à des gens différents ; et de faire un peu attention
à leur façon de l’administrer aux pauvres crétins, sinon, ils risquent de se la
faire recracher à la figure par ceux-là, justement. Prenez Hamper, qui commence
par me donner un coup sur la tête, et puis qui me refile sa grosse pilule en me
disant qu’elle me fera pas d’effet, parce que je suis trop bête ; eh ben, la
preuve !
    — Si seulement quelques-uns des patrons les plus sages et
les plus généreux acceptaient de vous rencontrer, vous autres ouvriers, et de discuter
sérieusement de tout ça, je suis sûr que ce serait le meilleur moyen d’aplanir des
difficultés qui viennent de votre ignorance – je vous demande pardon, Mr Higgins
– sur des sujets qui, dans l’intérêt des patrons comme des ouvriers, devraient être
bien maîtrisés des deux côtés. Je me demande, poursuivit-il en se tournant à moitié
vers sa fille, si on ne pourrait pas convaincre Mr Thornton d’y penser ?
    — Rappelez-vous, papa, ce qu’il a dit un jour sur la direction
des entreprises, dit-elle à voix très basse, ne voulant pas faire d’allusion plus
claire à la conversation qu’ils avaient eue sur la façon de diriger les ouvriers
– soit en développant assez leur intelligence pour qu’ils puissent se gouverner
eux-mêmes, soit en exerçant sur eux un despotisme éclairé –, car elle avait vu que
Higgins avait saisi le nom de Mr Thornton, sinon l’intégralité des propos de
Mr Hale. Et de fait, il se mit à parler de lui.
    — Thornton ! Celui qu’a tout de suite envoyé chercher
ces Irlandais ; à cause de quoi y a eu l’émeute qu’a cassé la grève. Il a beau
être un vrai tyran, le Hamper, il aurait attendu un peu ; mais avec Thornton,
c’est coup pour coup. Et maintenant, au moment où le syndicat aurait bien voulu
qu’il fasse poursuivre Boucher et les gars qu’ont désobéi aux ordres, voilà que
le Thornton, il vient dire froidement que comme la grève est finie, lui, il a beau
être victime, il veut pas porter plainte contre les émeutiers. Je croyais qu’il
avait plus de cran que ça. Je croyais qu’il aurait fait valoir ses droits et se
serait vengé ouvertement. Mais paraît qu’il a déclaré (c’est quelqu’un qu’était
au tribunal qui me l’a répété mot pour mot) : « On les connaît ;
leur conduite trouvera une sanction naturelle lorsqu’ils auront le plus grand mal
à trouver du travail. Ils seront bien assez punis comme cela. » Ah, si seulement
ils avaient pu pincer Boucher et l’amener devant Hamper. Je le vois d’ici se jeter
sur lui, ce vieux tigre ! C’est pas lui qui l’aurait lâché. Jamais de la vie !
    — Mr Thornton a eu raison, dit Margaret. Vous en voulez
à Boucher, Nicholas, sinon vous seriez le premier à comprendre que là où le châtiment
naturel est assez sévère, en rajouter pour aggraver encore la sanction relèverait
du désir de vengeance.
    — Ma fille n’aime guère Mr Thornton, mais je crois
qu’elle dit la vérité, dit Mr Hale, tandis que Margaret, rouge comme une pivoine,
se remettait à coudre avec une ardeur redoublée. Et je n’en apprécie que plus
Mr Thornton.
    — Vous savez, monsieur, elle me reste sur le cœur, cette
grève ; et ça vous étonnera pas si je vous dis que je suis bien contrarié de
la voir échouer à cause de quelques-uns qu’ont pas pu taire leur bec et tenir bon
sans mollir.
    — Vous oubliez une chose ! s’exclama Margaret. Je ne
connais guère Boucher, mais la seule fois où je l’ai vu, ce n’est pas de ses propres
souffrances qu’il a parlé, mais de celles de sa femme malade et de ses petits-enfants.
    — C’est

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