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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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elle ne pouvait penser à sa propre perte. Alors que la nuit se terminait
et que le jour approchait, la voix de Margaret s’éleva soudain dans le silence de
la chambre avec une clarté dont elle fut la première surprise :
    — Que votre cœur ne se trouble pas [79] , dit-elle.
    Et elle lut d’une voix haute et ferme ce chapitre d’ineffable
consolation.

 
     
     
     
     
     
     
     
     
    CHAPITRE
VI
     
    Devrait-on oublier les vieux amis ?
     
     
     
    «   Ne
voit-on pas ici dans toute leur noirceur
    La ruse
du serpent, la chute du pêcheur ? »
    Crabbe [80]
     
     
    Vint le matin, un matin d’octobre froid et glacial ; non
pas un de ces matins à la campagne, où les brumes légères et argentées se dissipent
devant les rayons du soleil qui font ressortir la multitude des couleurs somptueuses,
mais un matin d’octobre de Milton, où les brumes argentées ont laissé place à d’épais
brouillards, et où le soleil, lorsqu’il parvient à percer, n’éclaire que de longues
rues poussiéreuses. Margaret circulait dans la maison d’un pas languissant, aidant
Dixon à y remettre de l’ordre. Les larmes lui montaient aux yeux à chaque instant,
mais elle n’avait pas le temps de s’effondrer et pleurer pour de bon. Elle devait
s’occuper de son père et de son frère. Pendant qu’ils laissaient libre cours à leur
chagrin, elle devait agir, prévoir, réfléchir. Même les dispositions à prendre pour
les funérailles semblaient lui incomber.
    Lorsque le feu flamba et crépita, que tout fut prêt pour le petit
déjeuner, que la bouilloire chanta, Margaret jeta un dernier coup d’œil à la pièce
avant d’aller chercher Mr Hale et Frederick. Elle tenait à ce que tout parût
aussi accueillant que possible ; pourtant, lorsqu’elle y eut réussi, le contraste
entre la pièce et ses propres pensées la fit soudain fondre en larmes. Elle était
agenouillée devant le divan, la tête enfouie dans les coussins pour que personne
ne l’entende pleurer, lorsque Dixon lui toucha l’épaule.
    — Allons, Miss Hale, allons, ma chère enfant !
Il ne faut pas vous laisser aller, sinon, où irons-nous ? Personne d’autre
ici n’est capable de donner un ordre, quel qu’il soit, et il y a tant à faire. Il
faut décider qui se chargera des obsèques, qui doit y assister, où elles doivent
avoir lieu. Il faut tout organiser. Monsieur Frederick est comme hébété à force
de pleurer et Monsieur n’a jamais été homme à prendre des décisions. Le pauvre,
il erre dans la maison comme s’il était perdu. C’est vraiment un mauvais moment,
ma chère enfant ; mais la mort vient pour tout le monde, et vous avez déjà
de la chance de n’avoir encore perdu aucun être cher.
    C’était peut-être vrai. Cependant, ce deuil ne pouvait supporter
la comparaison avec aucun autre événement. Les propos de Dixon n’apportèrent nul
réconfort à Margaret, mais la tendresse inhabituelle manifestée par la vieille servante
guindée lui alla droit au cœur ; mue par le désir de lui montrer qu’elle y
était sensible, plus que pour toute autre raison, elle se ressaisit, répondit par
un sourire à ses yeux inquiets, et alla annoncer à son père et à son frère que le
petit déjeuner était prêt.
    Mr Hale descendit comme dans un rêve, ou plutôt avec les
mouvements aveugles d’un somnambule, dont les yeux et l’esprit perçoivent autre
chose que ce qui est devant lui. Frederick entra d’un pas vif, avec une bonne humeur
forcée ; il prit la main de Margaret, chercha son regard, puis éclata en sanglots.
Il fallut qu’elle trouve toutes sortes de sujets de conversation pendant qu’ils
mangeaient, afin d’empêcher ses compagnons de repenser trop au dernier repas qu’ils
avaient pris ensemble, où ils étaient tendus, guettant sans relâche le moindre son,
le moindre appel provenant de la chambre de la malade.
    Après le petit déjeuner, elle résolut de parler à son père des
obsèques. Il secoua la tête et accepta toutes ses propositions, bien que plusieurs
fussent en contradiction flagrante. Margaret ne tira de lui aucune décision. Elle
quittait la pièce d’une démarche lasse pour conférer avec Dixon lorsque
Mr Hale lui fît signe de revenir près de lui.
    — Consulte Mr Bell, dit-il d’une voix sourde.
    — Mr Bell, répéta-t-elle, un peu surprise.
Mr Bell d’Oxford ?
    — Oui, Mr Bell, répéta-t-il. Il a été mon garçon d’honneur.
    Margaret comprit l’association

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