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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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perds pas espoir !
    Margaret voulut parler, mais sa voix s’étrangla dans sa gorge.
Elle finit par articuler d’une voix très basse :
    — Il faut que j’aie l’humilité d’espérer. Oh, Frederick,
maman commençait à m’aimer tendrement ! Et moi, je commençais à la comprendre.
Et puis voilà que la mort va nous séparer !
    — Allons, allons ! Montons faire quelque chose d’utile
plutôt que de perdre un temps qui peut être si précieux. Réfléchir m’a parfois rendu
triste, petite sœur, mais agir, jamais, de toute ma vie. Ma théorie est une variante
de la maxime : « Gagne de l’argent, mon fils, honnêtement si tu le peux,
mais gagne de l’argent. » Mon précepte à moi, c’est : « Fais quelque
chose, ma sœur, fais du bien si tu le peux, mais fais quelque chose. »
    — Même si c’est du mal ? demanda Margaret, avec un
léger sourire malgré ses larmes.
    — Certainement. Ce dont je ne veux pas entendre parler,
c’est de remords ; efface tes mauvaises actions (si tu es particulièrement
consciencieuse) par une bonne action, sitôt que tu peux. Exactement comme nous faisions
au collège lorsque nous écrivions une addition correcte par-dessus une fausse, mal
effacée. Cela valait mieux que de mouiller l’éponge avec nos larmes ; cela
offrait le double avantage de nous éviter de perdre du temps, car les larmes sont
parfois longues à venir, et de nous assurer un meilleur résultat au bout du compte.
    Si à première vue Margaret trouva la théorie de son frère un
peu à l’emporte-pièce, elle vit qu’il l’appliquait de façon à toujours se conduire
généreusement. Après une mauvaise nuit au chevet de sa mère (car il insista pour
prendre son tour de veille), il se mit en devoir le lendemain matin de fabriquer
un repose-pieds pour Dixon, chez qui la fatigue des veilles commençait à se faire
sentir. Au petit déjeuner, il fit en sorte de distraire Mr Hale avec une description
vivante, précise et animée de la vie exotique qu’il avait menée au Mexique, en Amérique
du Sud et ailleurs. Margaret, elle, eût renoncé à faire l’effort de tirer
Mr Hale de son profond abattement ; elle se fût laissé gagner par ce désespoir
et eût été incapable de parler. Mais Frederick, fidèle à son principe, s’occupait
en permanence ; et au petit déjeuner, que faire d’autre que manger, sinon bavarder ?
    Mais au soir de cette journée, le pronostic du docteur Donaldson
ne se trouva, hélas, que trop vérifié. Mrs Hale fut prise de convulsions qui
la laissèrent inconsciente. Ce fut en vain que son mari, allongé à côté d’elle,
fit trembler le lit avec ses sanglots ; en vain que son fils essaya de ses
bras vigoureux de la soulever tendrement pour lui trouver une position plus confortable. ;
en vain que sa fille lui bassina le visage : elle ne les reconnut point. Elle
ne les reconnaîtrait plus jusqu’à leur réunion Là-Haut.
    Avant le matin, tout était fini.
    Alors, Margaret, cessant de trembler, s’arracha à son désespoir,
et devint pour son père et son frère un véritable ange de courage et de réconfort.
Car la maîtrise de Frederick l’avait abandonné et toutes ses théories ne lui étaient
plus d’aucun secours. Le soir, enfermé dans sa petite chambre, il pleura si violemment
que Margaret et Dixon descendirent, inquiètes, pour lui demander de ne pas faire
de bruit, car les cloisons de la maison étaient minces et les voisins risquaient
d’entendre ses sanglots passionnés de jeune homme, tellement différents de l’affliction
tremblante et retenue de l’âge mûr où, endurcis contre la douleur, nous n’osons
plus nous révolter contre l’inévitable, sachant qui l’a décrété.
    Margaret veilla avec son père dans la chambre mortuaire. S’il
avait pleuré, elle en eût été soulagée. Mais il resta assis en silence près du lit ;
de temps à autre, il découvrait le visage de sa femme et le caressait doucement,
comme un animal eût caressé son petit. Il ne prêta aucune attention à la présence
de Margaret. Une ou deux fois, elle s’approcha de lui pour l’embrasser, et il se
laissa faire, mais la repoussa doucement ensuite, comme si ces manifestations d’affection
le distrayaient de sa contemplation de la défunte. En entendant les cris de Frederick,
il tressaillit et secoua la tête en disant :
    — Pauvre garçon ! Pauvre garçon !
    Ce fut tout. Le cœur de Margaret se serra. Devant la douleur
de son père,

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