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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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son esprit. Son visiteur ne dit pas grand-chose, mais chacune de ses réponses
augmenta la confiance de Mr Hale et l’amitié qu’il éprouvait pour lui. Hésitait-il
en évoquant une douleur ancienne ? En deux ou trois mots, Mr Thornton
complétait sa phrase, montrant à quel point il le comprenait. Était-il hanté par
un doute, une crainte, une incertitude vagabonde cherchant le repos mais en vain,
tant ses yeux étaient aveuglés par les larmes ? Au lieu d’être choqué,
Mr Thornton semblait être passé lui aussi par les mêmes étapes, et savait suggérer
où trouver le rayon de lumière susceptible d’éclairer les zones d’ombre. Il avait
beau être un homme d’action, engagé dans la grande bataille du siècle, le lien religieux
qui dans son cœur l’unissait à Dieu, malgré toutes ses erreurs et son opiniâtreté,
était beaucoup plus puissant que ne l’avait soupçonné Mr Hale. Le hasard voulut
que par la suite, ils n’abordèrent plus une seule fois le sujet ; mais cet
entretien fit d’eux des intimes, les unit comme jamais n’aurait pu le faire une
conversation confuse et à bâtons rompus sur des choses sacrées. Si tous sont admis,
comment peut-il y avoir un saint des saints ?
    Or pendant tout ce temps, Margaret gisait sur le sol du bureau,
inerte et blanche comme une morte ! Elle avait sombré sous son lourd fardeau.
Elle le portait depuis longtemps avec douceur et patience, mais brusquement, sa
foi l’avait abandonnée et elle avait cherché en vain de l’aide. Ses beaux sourcils
étaient crispés par la souffrance, bien qu’aucun autre signe de conscience n’apparût
sur son visage. La bouche, qui affichait tout à l’heure une moue de défi dédaigneux,
était détendue et exsangue.
     
    E par che de la sua labia si mova
    Uno spirto soave e pien d’amore
    Chi va dicendo à l’anima : sospira ! [83]
     
    Un léger frémissement des lèvres, un petit effort muet pour essayer
de parler, fut le premier signe qu’elle revenait à elle ; mais ses yeux restèrent
clos, et le frémissement cessa. Puis, elle s’appuya faiblement sur ses bras pour
reprendre aplomb un instant, s’accroupit et se leva enfin. Son peigne était tombé,
et comme elle souhaitait instinctivement effacer toute trace de faiblesse et se
ressaisir, elle entreprit de le chercher. Mais pour cela, elle dut s’asseoir à plusieurs
reprises afin de reprendre des forces. La tête penchée en avant, les mains posées
doucement l’une sur l’autre, elle essaya de se rappeler la force de la tentation
en cherchant à se remémorer tous les détails qui l’avaient plongée dans une aussi
mortelle angoisse. En vain. Elle ne comprenait que deux choses : d’abord que
Frederick avait failli être poursuivi et retrouvé à Londres, non seulement comme
étant coupable d’homicide par imprudence, mais pour avoir commis le crime inexcusable
de mener une mutinerie ; ensuite, qu’elle avait menti pour le sauver. Son seul
réconfort était l’idée que son mensonge l’avait effectivement sauvé, ne fût-ce qu’en
gagnant un temps précieux pour lui. Si l’inspecteur revenait demain, après l’arrivée
de la lettre tant attendue qui lui donnerait l’assurance que son frère était en
sécurité, elle braverait la honte et affronterait l’amer châtiment, elle, la hautaine
Margaret, en reconnaissant s’il le fallait devant un tribunal bondé, qu’elle « avait
été comme un chien et avait accompli la chose [84]  ». Mais si l’inspecteur revenait
avant qu’elle eût reçu des nouvelles de Frederick, s’il revenait, comme il l’en
avait plus ou moins menacée, d’ici quelques heures, eh bien, elle renouvellerait
son mensonge ; comment, après cette terrible pause où elle avait eu le loisir
de réfléchir et de se faire des reproches, les mots pourraient-ils sortir de sa
bouche sans trahir sa déloyauté ? Elle se le demandait et se sentait incapable
de répondre. Mais en répétant son mensonge, elle gagnerait du temps, du temps pour
Frederick.
    Elle fut interrompue dans ses pensées par l’arrivée de Dixon,
qui venait de reconduire Mr Thornton à la porte.
    Il n’avait pas fait dix pas dans la rue lorsqu’un omnibus s’arrêta
près de lui. Un homme en descendit, qui se dirigea vers lui en touchant son chapeau.
C’était l’inspecteur de police.
    Mr Thornton avait jadis obtenu à cet homme son premier poste
dans la police. Il avait eu de temps en temps des nouvelles de l’avancement de

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