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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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pris ce chemin-là, c’est à moi de le remplacer.
    Mr Hale saisit la main de Higgins et la serra chaleureusement,
sans un mot. Higgins parut décontenancé et mal à l’aise.
    — Allons, allons, Monsieur. N’importe qui en ferait autant,
et même plus, sinon, on mérite pas de s’appeler un homme. Seulement, voilà, j’ai
pas trouvé d’ouvrage, et j’en vois pas pointer à l’horizon. J’ai pourtant bien dit
tout ça à Hamper. Mais j’ai pas signé l’engagement, ça non, j’ai pas pu, même avec
toutes les raisons que j’ai de vouloir de l’ouvrage. Jamais il aurait eu un ouvrier
comme moi, mais il en a pas voulu, et les autres non plus. Pour eux, je suis une
brebis galeuse, un propre à rien. Les gamins, ils risquent crever de faim s’ils
attendent après moi, à moins que vous m’aidiez, monsieur le pasteur.
    — Vous aider ? Comment ? Ce serait bien volontiers,
mais que puis-je faire pour vous ?
    — Votre demoiselle, là – Margaret venait de rentrer dans
la pièce et les écoutait –, elle a souvent raconté plein de belles choses sur le
Sud et la vie qu’on y mène. Moi, je me rends pas compte à quelle distance c’est
d’ici, mais je me suis dit que si je pouvais descendre là-bas, où on dépense moins
pour se nourrir, où il y a de bons gages et où les gens, riches ou pauvres, patrons
et ouvriers, s’entendent bien, peut-être que vous pourriez m’aider à trouver du
travail. J’ai pas quarante-cinq ans et je suis encore vaillant, monsieur.
    — Mais quel genre de travail pourriez-vous faire, mon brave
homme ?
    — Dame, je crois que je pourrais bêcher un peu...
    — Et pour cela, dit Margaret en s’approchant, pour le travail
que vous pourriez faire, Higgins, avec la meilleure volonté du monde, vous gagneriez
peut-être neuf shillings par semaine ; mettons dix au plus. La nourriture coûte
à peu près aussi cher qu’ici, à ceci près que vous pourriez avoir un petit jardin...
    — Les enfants pourraient y travailler, dit-il. De toute
façon, j’en ai assez de Milton, et Milton en a assez de moi.
    — Peut-être, dit Margaret, mais il ne faut pas aller dans
le Sud. Vous ne supporteriez pas la vie là-bas. Il faut être dehors par tous les
temps. Vous seriez bientôt perclus de rhumatismes. A votre âge, le travail physique
vous épuiserait. La nourriture est très différente de celle à laquelle vous êtes
accoutumé ici.
    — Je suis pas difficile, répliqua-t-il, vexé.
    — Mais vous avez l’habitude de manger de la viande une fois
par jour, quand vous avez du travail ; avec vos dix shillings par semaine,
vous ne pourrez pas vous le permettre, surtout avec ces pauvres enfants à nourrir.
Puisque c’est ce que j’ai dit qui vous a mis cette idée en tête, il est de mon devoir
de vous exposer bien clairement la situation. Vous ne supporteriez pas l’ennui de
cette vie-là. Vous ne savez pas ce que c’est : là-bas, l’ennui vous rongerait
comme de la rouille. Ceux qui sont nés dans ces régions sont habitués à ces terrains
marécageux. Ils peinent jour après jour dans la solitude de ces champs d’où montent
des brouillards, sans jamais parler ni lever leur pauvre tête courbée vers la terre.
À force de bêcher dur, ils cessent de faire marcher leur cervelle ; la monotonie
de leur travail tue leur imagination ; une fois leur labeur terminé, ils ne
se soucient pas de se rencontrer pour échanger leurs réflexions, même les plus anodines
ou les plus folles ; non, ils rentrent chez eux abrutis de fatigue, les pauvres,
sans avoir d’autre envie que de manger et de dormir. Vous ne pourriez jamais susciter
en eux cet esprit de camaraderie qui, en ville, se respire partout aussi librement
que l’air, et dont je ne sais s’il est bon ou mauvais. Mais ce que je sais, c’est
que vous, avec votre tempérament, vous êtes mal préparé à vivre parmi ces gens-là.
Ce qui fait leur paix serait pour vous motif d’irritation perpétuelle. N’y songez
plus, Nicholas, je vous en conjure. Au reste, vous ne pourriez même pas payer le
voyage de la mère et des enfants jusque là-bas, et c’est tant mieux.
    — Moi, je vois ça comme ça : avec une bicoque, on devrait
tous pouvoir loger. Et avec les sous qu’on tirera des meubles de l’autre, on tiendra
bien un moment. Là-bas aussi, il doit y avoir des hommes qu’ont à nourrir des familles
de six ou sept enfants. Dieu leur vienne en aide ! s’écria-t-il, plus convaincu
par sa propre

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