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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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jamais eu peur de papa.
    Le cœur de Margaret se serra en apprenant que dans son besoin
égoïste de compassion, la mère avait fait monter ses enfants dans la chambre du
premier pour voir le cadavre méconnaissable de leur père. C’était mêler l’horreur
brute au profond chagrin naturel. Elle s’efforça de détourner leurs pensées, vers
ce qu’ils pouvaient faire pour leur mère par exemple, et – ce qui produisit encore
plus d’effet – vers ce que leur père eût souhaité leur voir faire. Margaret eut
plus de succès dans son entreprise que Mr Hale. Les enfants, comprenant que
leur devoir consistait en de menues activités à leur portée, entreprirent chacun
de faire ce que Margaret leur suggérait pour nettoyer la pièce sale et mal rangée.
Quant à son père, il avait visé trop haut, en proposant des considérations trop
abstraites à l’indolente malade, dont l’esprit engourdi ne pouvait se représenter
avec clarté la souffrance qu’avait dû éprouver son mari avant d’en arriver à sa
dernière et terrible extrémité. Elle ne comprenait de son geste que ce qui l’affectait,
elle, et ne pouvait concevoir la miséricorde éternelle d’un Dieu qui n’était pas
intervenu tout spécialement pour empêcher l’eau de noyer son mari anéanti par la
détresse ; si elle blâmait secrètement celui-ci de s’être abandonné à un désespoir
aussi absolu, et ne trouvait aucune excuse à l’action insensée qu’il avait commise,
elle s’en prenait avec virulence à tous ceux qui de près ou de loin avaient pu le
pousser à son acte ultime. Les patrons – Mr Thornton en particulier, dont l’usine
avait été attaquée par Boucher et qui, après qu’un mandat d’amener ait été lancé
contre lui, était intervenu pour le faire retirer – ; le syndicat, dont Higgins
était aux yeux de la pauvre femme le vivant symbole ; les enfants, si nombreux,
si affamés, si bruyants, bref, tout cela constituait pour elle un ensemble d’ennemis
personnels qui l’avaient réduite à sa condition présente de veuve sans appui.
    Ce que Margaret entendit de ses propos déraisonnables suffit
à la décourager, et la rendit incapable de réconforter son père lorsqu’ils repartirent.
    — C’est un effet de la vie citadine, dit-elle.
    Les nerfs des habitants sont exaspérés par l’agitation, la hâte
et le tumulte dans lequel ils vivent, sans compter le désagrément qu’il y a à rester
enfermé dans ces maisons étroites, ce qui en soit suffirait à provoquer la tristesse
et l’inquiétude ; alors qu’à la campagne, tous, même les enfants, sont beaucoup
plus souvent dehors, hiver comme été.
    — Mais il faut bien qu’il y ait des habitants dans les villes.
Et à la campagne, on voit des gens à l’esprit tellement paresseux qu’ils en deviennent
presque fatalistes.
    — Oui, je l’admets. Sans doute chaque mode de vie engendre-t-il
ses propres épreuves et ses propres tentations. Les citadins doivent avoir autant
de mal à se montrer patients et calmes que les campagnards à être actifs et à faire
face à des catastrophes imprévues. Et il doit leur être aussi malaisé de concevoir
l’espérance d’une vie à venir : aux premiers car le présent se fait si exigeant
qu’il les encercle et les harcèle sans répit ; aux seconds également, parce
que leur mode de vie les pousse à jouir des satisfactions animales et qu’ils sont
incapables d’apprécier, faute de le connaître, le plaisir extrême qu’on éprouve
à atteindre un objectif que l’on s’est fixé et pour lequel on fait des sacrifices.
    — De sorte que ceux qui sont trop absorbés par leurs entreprises
et ceux qui se contentent béatement du présent en arrivent au même point. Mais pour
en revenir à cette pauvre Mrs Boucher, nous ne pouvons vraiment pas grand-chose
pour elle.
    — Et pourtant, nous ne pouvons lui refuser notre secours,
même s’il semble inutile. Oh, papa, le monde où nous vivons est bien dur !
    — Tu as raison, mon enfant. Nous y sommes particulièrement
sensibles en ce moment. Mais même au milieu de nos chagrins, nous avons eu des instants
heureux. Quel bonheur nous a apporté la visite de Frederick !
    — Oui, c’est vrai, répondit Margaret d’un ton enjoué. C’était
un moment volé, un bonheur défendu, arraché aux circonstances.
    Mais elle s’arrêta brusquement. Par sa lâcheté, elle s’était
gâché à elle-même le souvenir de la visite de Frederick. De tous

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