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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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maison, partagée entre la contrariété d’occuper une position si
modeste et la fierté d’avoir un mari si beau et si affectionné, comme l’avait vu
de ses yeux Mr Bell un quart de siècle auparavant. Le rêve ressemblait tant
à la réalité que lorsqu’il se réveilla, ce fut sa vie présente qui lui parut un
rêve. Où se trouvait-il ? Dans la chambre confinée et élégamment meublée d’un
hôtel de Londres ! Où étaient ceux qui lui parlaient, évoluaient autour de
lui et le touchaient une minute plus tôt ? Morts ! Enterrés ! Perdus
à jamais, dans la mesure de la portée terrestre d’un « à jamais ».
    Il était un vieillard, lui qui si récemment se vantait de sa
vigueur. La solitude complète de son existence lui devint une pensée insupportable.
Il se hâta de se lever et s’efforça d’oublier ce qui plus jamais ne serait en s’habillant
précipitamment pour son rendez-vous à Harley Street.
    Il ne put prêter attention à tous les détails juridiques qui,
à ce qu’il remarqua, firent s’écarquiller les yeux de Margaret et pâlir ses lèvres
tandis qu’elle voyait s’effondrer sous ses pas et disparaître un à un chaque fragment
de preuve qui eût pu innocenter Frederick. La voix mesurée de Mr Lennox lui-même
s’adoucit tandis qu’il terminait, anéantissant le dernier espoir. Non que Margaret
ne se fût parfaitement doutée auparavant de l’issue de ces recherches. Mais en entendant
la récapitulation minutieuse des détails de chaque échec successif, étouffant tout
espoir, elle finit par fondre en larmes. Mr Lennox arrêta sa lecture.
    — Je ferais mieux d’en rester là, dit-il avec sollicitude.
J’ai eu tort de vous proposer ceci. Le lieutenant – et le seul fait de lui entendre
donner à Frederick le titre sous lequel il avait servi et qu’on lui avait si brutalement
retiré fut un baume pour Margaret – le lieutenant est heureux à présent ; il
a une position plus assurée et de meilleures perspectives d’avenir que sa carrière
de marin ne le lui aurait permis ; et il a sans doute adopté le pays de sa
femme.
    — En effet, dit Margaret en s’efforçant de sourire. C’est
égoïste de ma part de le déplorer, mais il est perdu pour moi, et je me sens si
seule.
    Mr Lennox feuilleta ses papiers et regretta de ne pas être
aussi riche et prospère qu’il espérait le devenir un jour. Mr Bell se moucha,
mais garda lui aussi le silence ; et une ou deux minutes plus tard, Margaret
eut recouvré son calme habituel. Elle remercia courtoisement Mr Lennox du mal
qu’il s’était donné ; elle se montra d’autant plus courtoise et gracieuse qu’elle
sentait que sa réaction pouvait faire craindre à l’avocat de lui avoir causé une
peine inutile. Pourtant, c’était une peine dont elle n’eût pas voulu faire l’économie.
    Mr Bell s’approcha pour prendre congé d’elle.
    — Margaret ! dit-il en cherchant à enfiler ses gants,
je vais à Helstone demain pour revoir le hameau. Souhaitez-vous m’accompagner ?
Ou craignez-vous que cela ne vous soit trop pénible ? Répondez-moi franchement.
    — Oh, Mr Bell, s’exclama-t-elle, incapable d’en dire
plus.
    Mais elle prit la main goutteuse du vieil homme et la baisa.
    — Allons, allons, cela suffit, dit-il, gêné. Je suppose
que votre tante acceptera de vous confier à moi. Nous partirons demain matin et
nous arriverons là-bas vers deux heures, j’imagine. Nous commanderons à déjeuner
en passant à la petite auberge, le Lennard Arms, je crois, puis nous irons faire
une promenade en forêt pour nous ouvrir l’appétit. Vous sentez-vous assez forte
pour cela, Margaret ? Ce sera une épreuve pour nous deux, je le sais, mais
pour moi du moins, ce sera aussi un plaisir. Après quoi, nous déjeunerons – de la
biche, sans doute, si tant est qu’il y en ait – ensuite, je ferai un petit somme
pendant que vous irez voir de vieux amis. Je vous ramènerai à votre tante saine
et sauve, à moins d’un accident de chemin de fer, mais je prendrai pour vous avant
de partir une assurance sur la vie de mille livres, ce qui consolera peut-être vos
parents ; sinon je vous rendrai à Mrs Shaw à l’heure du déjeuner le vendredi.
Si vous acceptez, je monte lui demander la permission.
    — Il est inutile que j’essaie de vous dire combien cela
me fera plaisir, dit Margaret à travers ses larmes.
    — Alors, prouvez-moi votre gratitude en asséchant vos fontaines
les deux jours

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