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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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la vérité, avait changé de camp de
façon incompréhensible.
    — Je crois que c’est d’abord l’amour qui l’a prédisposé
à sa conversion, dit Margaret en soupirant.
    — Alors là, Miss ! s’exclama Dixon. Je peux me garder
des prêtres et des églises, mais l’amour arrive comme un voleur ! Je crois
que je ferais mieux de ne pas y aller.
    Margaret craignait de trop songer à ce projet espagnol. Mais
cela la distrayait de l’impatience qu’elle éprouvait de voir sa conduite expliquée
à Mr Thornton. Pour l’instant, Mr Bell ne semblait pas disposé à quitter
Oxford, et n’avait aucune raison immédiate de se rendre à Milton ; quant à
Margaret, une secrète réserve semblait peser sur elle et l’empêcher de poser la
moindre question ou de faire la moindre allusion à cette visite qu’il avait projetée.
Elle ne se sentait pas non plus libre de mentionner le projet de voyage en Espagne
dont il avait parlé à Edith – même s’il n’avait pas envisagé cette idée plus de
cinq minutes. Il ne lui en avait rien dit à Helstone, où le loisir ne lui en avait
pas manqué tout au long de cette journée ensoleillée ; sans doute était-ce
une idée sans lendemain ; mais dans le cas contraire, quel agréable dérivatif
cela eût été à la vie monotone qu’elle menait et qui commençait à lui peser !
    L’une de ses grandes joies dans l’existence à cette époque lui
était fournie par le fils d’Edith. Il était l’orgueil de son père et de sa mère
et leur jouet, tant qu’il était sage ; mais il avait un caractère très volontaire
et dès qu’il entrait dans une de ses violentes colères, Edith avait toujours un
mouvement de recul et soupirait, lasse et excédée :
    — Oh, mon Dieu, que vais-je faire de cet enfant ? Margaret,
je t’en prie, sonne Hanley.
    Mais Margaret préférait presque son neveu lorsqu’il manifestait
ainsi son caractère que lorsqu’il se comportait comme un petit ange. Elle l’emmenait
alors dans une pièce à l’écart où ils bataillaient ensemble : elle faisait
preuve d’une fermeté qui le calmait, et s’ingéniait à le ramener à de bons sentiments
par le charme et l’habileté, tant et si bien qu’au bout d’un moment, il frottait
son petit visage brûlant et mouillé de larmes contre celui de Margaret, l’embrassait,
lui faisait des câlineries et, souvent, finissait par s’endormir sur son épaule.
C’étaient là des moments bien doux pour Margaret. Ils lui donnaient le goût d’un
sentiment qu’il lui serait à jamais interdit de goûter, croyait-elle.
    Par ses fréquentes visites, Mr Henry Lennox ajoutait à la
vie de la maisonnée un élément de distraction qui n’était pas désagréable. Margaret
le trouvait plus froid, bien que plus brillant qu’autrefois ; mais ses goûts
intellectuels marqués et ses connaissances aussi vastes que variées apportaient
du piment à des conversations par ailleurs insipides. Margaret percevait chez lui
un léger mépris pour son frère et sa belle-sœur ainsi que pour leur mode de vie,
qu’il semblait juger vain et frivole. À une ou deux reprises, il questionna son
frère d’un ton assez vif en présence de Margaret, lui demandant s’il comptait renoncer
tout à fait à sa profession ; et en entendant le capitaine Lennox lui répondre
qu’il avait amplement de quoi vivre, elle avait vu la lèvre de Mr Lennox se
retrousser avec dédain tandis qu’il lançait : « C’est donc là tout ce
pour quoi vous vivez ? »
    Les deux frères étaient néanmoins très attachés l’un à l’autre,
comme le sont deux personnes dont l’une, plus intelligente, domine l’autre, qui
supporte patiemment de se laisser mener. Mr Lennox grimpait les échelons de
sa profession ; perspicace, prévoyant, intelligent, sarcastique et orgueilleux,
il cultivait soigneusement toutes les relations qui pourraient lui être utiles un
jour. Depuis la longue conversation qu’ils avaient eue le premier soir en présence
de Mr Bell, Margaret n’avait guère eu de rapports avec lui en dehors de ceux
qu’engendrait inévitablement leur intimité avec la même famille. Cependant cela
suffit à la débarrasser de toute timidité, et à effacer chez lui tous les signes
d’un orgueil et d’une vanité blessés. Ils se rencontraient perpétuellement, bien
sûr, mais Margaret avait le sentiment qu’il évitait de se trouver seul avec elle.
Elle s’imaginait qu’il se rendait compte comme elle

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