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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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qu’ils avaient beaucoup dérivé
dans leurs goûts et leurs opinions, si proches autrefois.
    Pourtant, lorsqu’il avait parlé avec une éloquence particulière,
ou fait quelque mot d’esprit, elle sentait que son regard cherchait le sien avant
tout autre, ne fût-ce qu’un instant ; et que, au sein de cette famille où ils
se côtoyaient sans cesse, il écoutait son opinion avec une déférence d’autant plus
profonde qu’il l’éprouvait à son corps défendant et faisait tout pour la cacher.

 
     
     
     
     
     
     
     
     
    CHAPITRE
XXIII
     
    Qui ne se reproduira pas
     
     
     
    «   Vous,
mon ami de cœur, vous l’ami de mon père,
    Je ne
puis vous quitter !
    Jamais
je n’ai montré, jamais vous n’avez su
    Combien
vous m’étiez cher. »
    Anonyme.
     
     
    Les ingrédients des dîners que donnait Mrs Lennox étaient
ceux-ci : ses amies apportaient la beauté, le capitaine Lennox, sa capacité
de parler avec aisance de tous les sujets d’actualité ; quant à Mr Lennox
et aux quelques jeunes gens d’avenir qui étaient reçus comme étant ses amis, ils
apportaient l’esprit, l’intelligence et les connaissances sérieuses et variées dont
ils savaient faire usage sans paraître pédants ni alourdir le flot rapide de la
conversation.
    Ces dîners étaient charmants, mais l’insatisfaction de Margaret
l’y poursuivait encore. Chaque talent, chaque sentiment, chaque connaissance, et
chaque tendance vertueuse elle-même étaient utilisés comme matériaux pour feux d’artifice ;
le feu sacré et intime s’épuisait en étincelles et en crépitements. Les convives
parlaient des arts d’un point de vue purement sensuel, en s’attachant aux effets
extérieurs au lieu de se laisser pénétrer par leurs riches enseignements. Ils se
forçaient à exprimer en compagnie un enthousiasme sur des sujets élevés auxquels,
seuls, ils n’accordaient pas une pensée. Ils gaspillaient leurs talents d’appréciation
en flots de paroles appropriées. Un jour, après que les messieurs furent entrés
au salon, Mr Lennox s’approcha délibérément de Margaret afin de lui parler,
pour la première fois peut-être depuis qu’elle était revenue habiter Harley Street.
    — Ce que disait Shirley pendant le dîner a paru vous déplaire.
    — Ah oui ? Mon visage est donc très expressif.
    — Il l’a toujours été, et n’a rien perdu de son éloquence.
    — Je n’ai pas aimé sa façon de défendre ce qu’il savait
être faux, si manifestement faux, même pour plaisanter, répondit Margaret précipitamment.
    — Mais ses arguments étaient fort spirituels. Chaque mot
portait ! Vous souvenez-vous des épithètes choisies avec bonheur ?
    — Oui
    — Vous brûlez d’ajouter : « Et je les méprise ».
Parlez sans scrupule, même s’il est mon ami.
    — Justement ! C’est exactement ce ton qui, chez vous...
    Elle s’arrêta court.
    Il attendit un instant pour voir si elle finirait sa phrase,
mais elle rougit seulement, et se détourna. Auparavant, elle l’entendit toutefois
dire très clairement à mi-voix :
    — Si mes intonations ou mes modes de pensée vous choquent,
auriez-vous la bonté de me le dire, et me donner une chance d’apprendre à vous plaire ?
    Pendant toutes ces semaines, on n’entendit pas parler du projet
de voyage de Mr Bell à Milton. Il l’avait évoqué à Helstone comme une chose
qu’il entendait faire prochainement ; mais sans doute avait-il déjà réglé ses
affaire par écrit, se dit Margaret, et elle savait que si cela était possible, il
éviterait de se rendre dans un endroit qui lui déplaisait, et que de plus, il ne
comprendrait guère l’importance secrète qu’elle attachait à une explication qui
ne pouvait être donnée que de vive voix. Elle savait qu’il la jugeait nécessaire,
et qu’il la donnerait certainement un jour, mais que pour lui, peu importait que
ce fût en été, en automne ou en hiver. On était maintenant au mois d’août et il
ne parlait toujours pas du voyage en Espagne auquel il avait fait allusion devant
Edith. Margaret s’efforça donc de se résigner à la perte de cette illusion.
    Mais un matin, elle reçut une lettre de son parrain annonçant
son intention de venir à Londres la semaine suivante : il voulait la voir à
propos d’un projet qu’il avait en tête ; de plus, il avait l’intention de consulter
des médecins, car il commençait à partager son opinion, à savoir qu’il serait

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