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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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j’espère à toutes ces longues conversations avec Margaret ?
    — Non, dit-il, gêné, et je ne souhaite pas que vous m’en
parliez.
    — Oh, soit, soit ! Alors, il est inutile que je dise
à Cosmo de ne pas inviter Mr Montagu aussi souvent.
    — Faites comme bon vous semble, dit-il avec une nonchalance
forcée. Ce à quoi vous songez se produira peut-être ; ou peut-être pas ;
mais cette fois-ci, avant de m’avancer, je veux être sûr du terrain. Invitez qui
vous voulez. Au risque d’être impoli, Edith, je vous dirai que si vous vous en mêlez,
vous gâcherez tout. Pendant très longtemps, elle s’est montrée très farouche. Ses
airs de Zénobie [115] commencent tout juste à se dissiper. Elle a pourtant l’étoffe d’une Cléopâtre, mais
il lui faudrait être un peu plus païenne.
    — Pour ma part, dit Edith avec une pointe de malveillance,
je ne suis pas fâchée qu’elle soit bonne chrétienne. C’est si rare !
    Il ne fut plus question d’Espagne pour Margaret cet automne-là ;
pourtant, jusqu’au dernier moment, elle espéra qu’une occasion heureuse appellerait
Frederick à Paris, où elle eût facilement pu rejoindre un convoi. Au lieu de Cadix,
elle dut se contenter de Cromer [116] .
C’était là que se rendaient sa tante Shaw et les Lennox. Ils avaient toujours souhaité
qu’elle les accompagnât, aussi, compte tenu de leur tempérament, ne firent-ils guère
d’efforts réels pour satisfaire ses désirs d’indépendance. Peut-être qu’en un sens,
Cromer était la villégiature la plus souhaitable pour elle, car elle avait besoin
non seulement de se reposer, mais aussi de reprendre des forces et de se remonter.
    Entre autres espoirs évanouis se trouvait l’assurance que lui
avait donnée Mr Bell d’expliquer à Mr Thornton les circonstances familiales
qui avaient précédé le malheureux accident ayant entraîné la mort de Leonards. Quelle
que fût l’opinion que devait garder d’elle Mr Thornton, même si elle était
bien différente de celle qu’il avait eue jadis, elle désirait du moins qu’elle fût
fondée sur une connaissance véritable de la façon dont elle avait agi, et des raisons
qui l’avaient poussée. Elle en eût été heureuse, et cela lui eût donné du repos
sur un point qui, désormais, resterait sensible sa vie durant, à moins qu’elle ne
prît la résolution de n’y plus penser. Tant de temps s’était écoulé depuis les événements
en question qu’il ne restait plus aucun moyen de les expliquer, excepté celui que
la mort de Mr Bell avait rendu impossible.
    Elle devait donc se résoudre, comme beaucoup d’autres, à être
incomprise ; mais elle avait beau essayer de se convaincre que son sort était
commun en l’occurrence, son cœur n’en désirait pas moins avec ardeur qu’un jour,
peut-être dans bien des années, en tout cas avant sa mort, Mr Thornton eût
connaissance de la tentation à laquelle elle avait été soumise. Elle se disait qu’elle
ne se souciait pas d’apprendre que tout avait été expliqué à Mr Thornton, pourvu
qu’elle eût la certitude qu’il serait informé. Mais c’était là un vain désir, et
quand elle s’en fut persuadée, elle se tourna de toute sa force vers la vie qui
était devant elle en cet instant, et résolut de s’efforcer d’en tirer le meilleur
parti possible.
    Elle passait de longues heures sur la plage, à contempler fixement
les vagues et leur ressac perpétuel contre les galets du bord, ou à regarder la
houle lointaine scintiller en reflétant la lumière, et elle entendait sans s’en
rendre compte le psaume éternel qui montait vers le ciel. Sans savoir pourquoi ni
comment, elle se sentait apaisée. Elle restait assise sur le sol, oisive, les mains
autour des genoux, pendant que sa tante faisait de petites emplettes et qu’Edith
et le capitaine Lennox partaient en excursion en voiture le long de la côte ou à
l’intérieur des terres. Les nourrices, qui passaient et repassaient devant elle
avec les enfants dont elles avaient la charge, se demandaient à voix basse ce qu’elle
pouvait bien trouver à observer si longuement, jour après jour. Et quand la famille
se réunissait pour le repas, Margaret était tellement silencieuse et absorbée qu’Edith
déclara qu’elle se morfondait et accueillit avec grande satisfaction la proposition
que fit son mari d’inviter Henry à passer une semaine à Cromer à son retour d’Écosse
en octobre.
    Mais tout ce temps de

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