Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
Vom Netzwerk:
détermination, s’empressaient avec ardeur en quête de... quoi donc ?
On ne voyait personne flâner dans les rues, personne ne marchait pour son plaisir ;
sur chaque visage crispé se lisait une expression anxieuse et avide ; on attendait
les nouvelles avec une extrême fébrilité ; on se bousculait à la Bourse du
commerce et à celle des valeurs, comme on le faisait dans la vie, obéissant à l’égoïsme
féroce de la concurrence. Une certaine morosité planait sur la ville. Il y avait
peu d’acheteurs, et ceux qui se présentaient étaient regardés d’un œil soupçonneux
par les vendeurs, car le crédit était menacé et les fortunes les plus stables risquaient
d’être affectées par les revers qu’avaient subis les grandes maisons de commerce
maritime du port voisin. Jusque-là, personne à Milton n’avait connu de faillite,
mais compte tenu des spéculations énormes qui s’étaient mal terminées aux États-Unis
et même plus près, apparaissant ainsi au grand jour, il y avait lieu de penser que
certaines affaires de Milton risquaient de souffrir si sévèrement que chaque jour,
même si les langues restaient muettes, les visages demandaient : « Quelles
nouvelles ? Qui a été touché ? En quoi serai-je affecté ? »
Et si deux ou trois personnes se rassemblaient, elles s’attardaient plutôt sur le
nom de ceux qui étaient à l’abri du risque, sans oser faire allusion à ceux qui,
à leur avis, risquaient de tomber ; car en pareilles circonstances, des paroles
inconsidérées pouvaient causer la perte de maisons qui, sinon, auraient pu se tirer
d’affaire. Et une chute peut en entraîner bien d’autres.
    Les commentaires allaient bon train. « Thornton ne craint
rien, disait-on. Son affaire est considérable et prend de l’extension chaque année ;
mais aussi, il s’y entend en affaires, et il est très prudent, malgré son audace ! »
Après quoi, l’un des interlocuteurs prenait l’autre à part, s’éloignait un peu et,
la tête penchée, glissait à l’oreille de son voisin : « Les affaires de
Thornton sont peut-être considérables, mais il a consacré ses bénéfices à son expansion,
sans mettre de capital de côté ; il a renouvelé ses machines ces deux dernières
années, et cela lui a coûté... inutile d’en dire plus, à bon entendeur, salut ! »
Mais ce prophète de malheur, Mr Harrison, avait, lui, hérité de la fortune
faite par son père dans le commerce, et il avait craint de la perdre en modifiant
quoi que ce fût pour travailler sur une plus grande échelle ; malgré cela,
il était jaloux de chaque penny gagné par ceux qui étaient plus hardis et clairvoyants
que lui.
    Or Mr Thornton se trouvait bel et bien dans l’embarras.
Il en avait une conscience aiguë, qui le touchait en un point sensible : sa
fierté de la réputation commerciale qu’il s’était acquise. Artisan de sa propre
fortune, il n’attribuait pas sa réussite à son mérite personnel ni à ses qualités
particulières, mais au pouvoir que le commerce donnait, pensait-il, à tout homme
courageux, honnête et persévérant, de s’élever à un niveau où il pouvait observer
facilement le grand jeu des succès de ce monde, et acquérir honnêtement, grâce à
cette clairvoyance, plus de pouvoir et d’influence que ne le permettait aucun autre
mode de vie. Loin, à l’est comme à l’ouest, dans des pays où sa personne n’était
pas connue, son nom serait respecté, sa volonté accomplie et sa parole prise pour
argent comptant. C’est avec cette conception de la vie d’un négociant que
Mr Thornton avait commencé sa carrière. « Que les marchands de ce pays
soient des princes [117]  »,
disait sa mère, lui lisant la Bible à voix haute, comme si ces mots étaient un coup
de trompette destiné à inviter son fils à la lutte. Or il ressemblait à beaucoup
d’autres, hommes, femmes et enfants : soucieux de ce qui se passait au loin
et indifférent à ce qui était près de lui. Il cherchait à se faire un nom dans les
pays étrangers et sur les mers lointaines, en se mettant à la tête d’une maison
qui serait connue pendant des générations ; et il lui avait fallu de longues
années anonymes pour commencer à entrevoir ce qu’il pouvait être aujourd’hui dans
son propre pays, sa propre ville, sa propre manufacture, parmi ses employés. Ils
avaient mené, eux et lui, des vies parallèles – très proches, mais ne se rejoignant
jamais, jusqu’à

Weitere Kostenlose Bücher