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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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légalement possible. Mais toutes les lois qui s’appuient sur
la délation et les amendes deviennent inopérantes à cause du caractère odieux des
rouages de la machine administrative. Je doute qu’au cours des cinq dernières années,
une seule cheminée de Milton ait été dénoncée même si certaines expédient constamment
en fumée – une fumée « non parlementaire » comme on dit ici – un tiers
de leur charbon.
    — Tout ce que je sais, c’est qu’il est impossible de garder
propres les rideaux de mousseline plus d’une semaine d’affilée, alors qu’à Helstone,
ils pouvaient rester un mois aux fenêtres sans avoir l’air défraîchis. Quant aux
mains, combien de fois m’as-tu dit que tu te les étais lavées depuis ce matin, Margaret ?
Trois fois, si ma mémoire est bonne.
    — Oui, maman.
    — Vous paraissez réticent face aux lois et à toute mesure
touchant la conduite de vos affaires, ici, à Milton, dit Mr Hale.
    — Oui, c’est exact. D’ailleurs, je ne suis pas le seul.
Et avec juste raison, je crois. Toutes les machines – je ne parle pas de celles
qui sont en fer ou en bois – utilisées dans les filatures de coton sont tellement
nouvelles que l’on ne peut s’étonner si tout ne fonctionne pas parfaitement d’emblée.
Qu’était cette industrie il y a soixante-dix ans ? Que n’est-elle pas aujourd’hui ?
Différents éléments bruts et mal dégrossis arrivaient ensemble ; des hommes
du même niveau, tant par l’origine que par l’éducation, se retrouvaient soudain,
les uns maîtres, les autres ouvriers, selon leur intelligence naturelle qui les
rendait plus ou moins aptes à discerner les occasions et les chances ; certains,
ainsi favorisés, avaient la clairvoyance nécessaire pour deviner l’avenir glorieux
qui se cachait derrière le rude modèle de Mr Richard Arkwright [27] .
Le développement rapide de ce qu’on pourrait appeler un nouveau commerce a donné
à ces patrons des premiers temps une richesse et un pouvoir considérables, non seulement
sur leurs ouvriers, mais sur leurs clients, sur le marché mondial. Tenez, à titre
d’exemple, je peux vous citer une annonce parue il n’y a pas cinquante ans dans
un journal de Milton, selon laquelle Mr Untel fermerait son entrepôt chaque
jour à midi ; et qu’en conséquence, tous les clients veuillent bien se présenter
avant cette heure-là. Vous imaginez un homme décrétant ainsi les heures auxquelles
il veut bien vendre et celles où il ne vendra pas ? Aujourd’hui, je crois que
si un bon client décidait de venir à minuit, je me lèverais et j’attendrais chapeau
bas de recevoir ses ordres.
    Margaret fit la moue, mais se trouva néanmoins bien obligée d’écouter ;
elle ne pouvait plus s’absorber dans ses pensées.
    — Si je parle de cela, ce n’est que pour montrer le pouvoir
presque illimité dont jouissaient les manufacturiers au début de ce siècle. Ils
en étaient grisés. Ce n’était pas parce qu’un homme réussissait dans ses entreprises
qu’il avait nécessairement l’esprit équilibré par ailleurs. Au contraire, son sens
de la justice et sa simplicité étaient souvent étouffés sous l’avalanche des bénéfices
qu’il faisait ; et il circule d’étranges histoires sur les extravagances auxquelles
se livraient ces premiers seigneurs du coton lors de cette période faste. Quant
à la tyrannie qu’ils exerçaient sur leurs ouvriers, on ne peut la contester non
plus. Vous connaissez le proverbe, Mr Hale : « Poignez vilain, il
vous oindra, oignez vilain, il vous poindra. » Eh bien, certains de ces patrons
ont poignardé leur prochain avec panache, plantant sans remords l’arme jusqu’à la
garde dans les dos et les poitrines. Mais bientôt s’est amorcée une réaction :
plus il y avait d’usines, plus il y avait de patrons et plus on avait besoin d’ouvriers.
Le pouvoir des patrons et celui des ouvriers s’est mieux équilibré ; et maintenant,
la bataille entre les deux est engagée équitablement. Nous ne nous soumettrons pas
à la décision d’un arbitre, et moins encore à l’intervention d’un officieux qui
ne serait que vaguement au courant des faits, quand bien même il s’agirait de la
Haute Cour du Parlement.
    — Est-il nécessaire d’appeler cela une bataille entre ces
deux classes ? demanda Mr Hale. Je sais que si vous utilisez ce terme,
c’est que dans votre esprit, il s’applique à l’état réel de la situation.
    — En

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