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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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la pièce, tant il était occupé à expliquer à Mr Hale
la puissance admirable et la précision délicate avec laquelle s’exerçait la force
du marteau-pilon, ce qui rappelait à celui-ci certains contes merveilleux des Mille
et une nuits ayant trait aux génies serviteurs – tantôt assez grands pour se déployer
de la terre au ciel et remplir tout l’horizon, et tantôt entrant avec soumission
dans un vase assez petit pour tenir dans la main d’un enfant.
    — Et cette conception de la puissance, cette mise en œuvre
pratique d’une pensée gigantesque, est née du cerveau d’un homme de notre bonne
ville [25] .
Un homme qui a eu la ressource et le génie de réussir les unes après les autres
des merveilles de plus en plus étonnantes. Je dois dire que parmi nous, nombreux
sont ceux qui, s’il disparaissait, combleraient la brèche et poursuivraient la guerre
qui contraint fatalement le pouvoir de la matière à céder à la science.
    — Ce dont vous vous vantez me rappelle ces vers anciens :
     
    « En
Angleterre, j’ai cent capitaines
    Qui
sont aussi vaillants que lui [26] . »
     
    En entendant son père citer ce poème, Margaret leva soudain les
yeux avec surprise. Comment avaient-ils bien pu passer des engrenages à Chevy Chase ?
    — Ce n’est pas moi qui me vante, répliqua Mr Thornton. Il
s’agit de faits réels. Je ne nierai pas que je suis fier d’être originaire d’une
ville – ou peut-être devrais-je dire d’une région – dont les contraintes mêmes ont
donné naissance à des inventions d’une telle importance. J’aimerais mieux être un
homme besogneux et qui souffre – que dis-je, un homme qui connaît l’échec – ici,
plutôt que de mener dans le Sud une existence ennuyeuse et prospère, où les journées
de ce que vous appelez une société plus aristocratique se passent avec lenteur dans
l’aisance et l’insouciance. On peut être rassasié de miel et incapable de prendre
son envol.
    — Vous vous trompez ! dit Margaret.
    Piquée par la critique de son Sud bien-aimé, elle entreprit de
le défendre avec une véhémence partisane qui lui fit monter le sang aux joues et
les larmes aux yeux.
    — Que savez-vous du Sud ? S’il y a là-bas moins d’entreprises
aventureuses ou moins de progrès – je suppose que je dois éviter de dire moins d’agitation
– dus au goût du risque inhérent au commerce, et qui semble nécessaire pour inspirer
ces merveilleuses inventions, il y a aussi moins de souffrances. Ici, je vois circuler
dans la rue des hommes qui semblent rongés par quelque âpre chagrin ou souci et
qui non seulement souffrent, mais sont habités par la haine. Certes, dans le Sud,
nous avons nos pauvres, mais leur visage ne porte pas cette terrible expression
que je vois ici, et où se lit un morne sentiment d’injustice. Vous ne connaissez
pas le Sud, Mr Thornton, conclut-elle, avant de retomber dans un silence délibéré,
furieuse contre elle-même d’en avoir tant dit.
    — Me permettrez-vous de dire que vous ne connaissez pas
le Nord ? fît-il avec une indicible douceur dans le ton, voyant qu’il l’avait
réellement blessée.
    Elle ne se départit pas de son silence, et se sentit envahie
par la nostalgie de ces lieux charmants qu’elle avait laissés si loin derrière elle,
une nostalgie si passionnée qu’elle se douta que sa voix serait mal assurée et tremblerait
si elle parlait.
    — Quoi qu’il en soit, Mr Thornton, intervint
Mrs Hale, vous reconnaîtrez que Milton est beaucoup plus sale et enfumée qu’aucune
ville du Sud.
    — J’avoue que je ne peux défendre sa propreté, répondit
Mr Thornton avec son sourire rapide et éblouissant. Mais nous avons ordre du
Parlement de brûler notre propre fumée ; c’est pourquoi j’imagine que, comme
de bons petits enfants sages, nous ferons ce que l’on nous dit de faire... le moment
venu.
    — Mais vous m’aviez bien expliqué que vous aviez modifié
vos cheminées afin de consommer la fumée, si je ne m’abuse ? dit Mr Hale.
    — Les miennes ont été modifiées sur mon initiative avant
que le Parlement ne se mêle de cette affaire. C’était un gros débours, mais je m’y
retrouve car cela m’économise du charbon. Je ne suis pas sûr que je l’aurais fait
si j’avais attendu que la loi soit votée. En tout cas, j’aurais attendu qu’on me
dénonce et qu’on me fasse payer une amende, et j’aurais obtempéré en y mettant toute
la mauvaise volonté

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