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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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effet ; je le crois nécessaire dans la mesure
où la sagesse, la prudence et la bonne conduite livrent bataille à l’ignorance et
à l’imprévoyance. L’une des grandes beautés de notre système, c’est qu’un ouvrier
peut s’élever au rang de patron et à son pouvoir, grâce à ses efforts et à sa conduite.
Et qu’en fait, tous ceux qui sont capables de s’astreindre à l’honnêteté et à la
sobriété et qui respectent leur travail rejoignent nos rangs, pas toujours comme
patrons, mais comme contremaîtres, caissiers, comptables ou commis, et se retrouvent
du côté de l’autorité et de l’ordre.
    — Vous considérez donc tous ceux qui ne réussissent pas
à s’élever dans la société, quelle qu’en soit la raison, comme vos ennemis, si je
vous ai bien compris, dit Margaret d’une voix claire et froide.
    — Assurément comme leurs propres ennemis, répliqua-t-il
vivement, piqué par la réprobation hautaine qu’impliquaient son ton et la tournure
de sa phrase.
    Mais il était trop honnête pour ne pas sentir aussitôt qu’il
avait joué sur les mots, n’offrant qu’une bien piètre réponse ; et que si son
interlocutrice l’avait pris de haut, il se devait de lui expliquer aussi sincèrement
qu’il le pouvait ce qu’il entendait au juste. Pourtant, il était fort malaisé de
dissocier son interprétation de celle de Margaret et de faire apparaître la distinction
entre ce qu’il avait voulu dire et sa position à elle. Pour illustrer sa position,
le mieux eût été de leur révéler certains éléments de sa vie. Mais n’était-ce pas
là un sujet trop personnel pour l’évoquer devant des étrangers ? C’était toutefois
la méthode la plus directe dont il disposât pour s’expliquer ; aussi s’obligea-t-il
à surmonter l’accès de timidité qui fit affluer passagèrement le sang à ses joues
brunes.
    — Ce ne sont pas des paroles en l’air. Il y a seize ans,
mon père est mort dans des circonstances malheureuses. On m’a retiré de l’école
et j’ai été obligé de devenir adulte comme j’ai pu en quelques jours. J’ai la chance
d’avoir une mère comme il y en a peu, une femme très forte et dotée d’une grande
volonté. Nous nous sommes installés dans une petite ville de province où la vie
était moins chère qu’à Milton et où j’ai trouvé du travail chez un marchand de tissus,
ce qui, soit dit en passant, est l’endroit idéal pour apprendre à connaître la marchandise.
Notre revenu s’élevait en moyenne à quinze shillings par semaine, sur lesquels devaient
vivre trois personnes. Ma mère faisait en sorte que je mette de côté régulièrement
trois de ces quinze shillings. Voilà comment tout a commencé. C’est ainsi que j’ai
appris la frugalité. Maintenant que je suis en mesure d’offrir à ma mère la vie
confortable qu’exige son âge sinon son désir, je la remercie en silence à chaque
instant de m’avoir ainsi formé. Et quand j’ai le sentiment que dans mon cas, ce
n’est ni la chance, ni le mérite, ni le talent, mais simplement des habitudes prises
de bonne heure dans la vie qui m’ont appris non seulement à mépriser des plaisirs
que je n’avais pas complètement gagnés, mais encore à les ignorer, j’estime que
la souffrance qui, d’après Miss Hale, se lit sur les traits des habitants de
Milton, n’est autre que la punition naturelle des plaisirs auxquels ils se sont
adonnés auparavant sans les avoir dûment mérités. Je considère les gens faibles,
esclaves de leurs sens, comme indignes de ma haine ; je me borne à mépriser
leur manque de volonté.
    — Mais vous, vous avez eu les rudiments d’une bonne éducation,
intervint Mr Hale. La facilité avec laquelle vous lisez Homère me montre que
vous ne l’abordez pas comme un inconnu. Vous l’avez déjà lu et vous faites appel
à vos anciennes connaissances.
    — C’est vrai, je l’avais étudié tant bien que mal à l’école ;
je reconnais qu’à l’époque, on me trouvait passablement bon dans les matières classiques,
même si depuis, j’ai oublié ce que je savais de latin et de grec. Mais je vous le
demande : en quoi pouvaient-ils me préparer à la vie que je devais mener ?
En rien. Quant à l’instruction, n’importe quel homme capable de lire et écrire se
trouve à égalité avec moi si l’on considère les connaissances qui m’ont été vraiment
utiles alors.
    — Permettez-moi de ne pas partager votre avis. Mais en

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