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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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grande
fille débraillée, plus jeune que Bessy, mais plus grande et plus forte, s’affairait
devant une cuve à laver et heurtait les meubles avec une efficacité brutale et un
tel vacarme que Margaret eut un mouvement de recul, par sympathie pour la pauvre
Bessy, qui s’était assise sur la première chaise, comme si sa promenade l’avait
absolument épuisée. Margaret demanda à la sœur un verre d’eau et, pendant que celle-ci
courait le chercher, renversant au passage les accessoires de la cheminée et bousculant
une chaise, elle défit les rubans du chapeau de Bessy afin de libérer sa gorge car
sa respiration était haletante.
    — Vous trouvez que ça vaut le coup de tenir à une vie pareille ?
finit par dire Bessy d’une voix entrecoupée.
    Margaret ne répondit pas mais porta le verre aux lèvres de la
jeune fille, qui avala une longue gorgée fiévreuse, se laissa retomber sur le dossier
de sa chaise et ferma les yeux. Margaret l’entendit murmurer :
    — Ils n’auront plus faim ni soif, ils ne souffriront pas
du vent brûlant ni du soleil [28] .
    Margaret se pencha sur elle et dit :
    — Bessy, essayez de mieux accepter votre vie, quelle qu’elle
soit, quelle qu’elle ait pu être. N’oubliez pas Celui qui vous l’a donnée et l’a
faite ce qu’elle est !
    Elle sursauta en entendant la voix de Nicholas derrière elle.
Il était entré sans qu’elle s’en aperçoive.
    — Ah, mais je veux pas qu’on fasse des prêches à ma fille.
Elle va déjà assez mal comme ça, avec ses rêves et ses délires méthodistes, ses
visions de villes avec des portes d’or et de pierres précieuses. Si ça l’amuse,
j’y vois pas d’inconvénient, mais je veux pas qu’on lui donne encore d’autres idées.
    Margaret se retourna et dit :
    — Mais tout de même, vous croyez, comme je l’ai dit, que
c’est Dieu qui lui a donné la vie et a décidé du genre d’existence qu’elle aurait ?
    — Je crois ce que je vois, un point c’est tout. Voilà, ma
petite demoiselle. Je ne crois pas tout ce que j’entends, ah, ça non ! J’ai
entendu une jeunette faire tout un tintouin pour savoir où on habitait, sous prétexte
qu’elle voulait nous rendre visite. Et ma fille, là, elle l’attendait, cette visite.
J’ai souvent vu le rouge lui monter aux joues quand elle entendait un pas inconnu
et qu’elle croyait pas que je la regardais. Mais elle a fini par venir, la demoiselle,
et elle est la bienvenue, tant qu’elle fait pas de sermons sur ce qu’elle connaît
pas.
    Bessy, qui observait Margaret, se redressa et lui posa la main
sur le bras dans un geste suppliant :
    — Faut pas lui en vouloir – ils sont beaucoup à penser comme
lui, surtout ici. Si vous les entendiez parler, ce qu’il vient de dire vous choquerait
pas. Il a le cœur sur la main, mon père, mais oh ! s’exclama-t-elle en retombant
dans son désespoir, ce qu’il dit, des fois, ça me donne encore plus envie de mourir,
parce qu’y a tant de choses que je voudrais savoir, tant d’autres qui m’épatent
et me tourneboulent.
    — Ma pauvre gamine, ma pauvre chtiote, ça m’embête de te
contrarier, c’est sûr ; mais faut bien qu’un homme dise ce qu’il a sur le cœur,
et au jour d’aujourd’hui, quand je vois le monde qui tourne vraiment pas rond et
les gens qui s’occupent de choses qu’ils y connaissent rien, au lieu de balayer
devant leur porte, eh bien je me dis que tous ces beaux discours sur la religion,
ils servent à rien, et que vaudrait mieux s’attaquer à ce qu’on voit et à ce qu’on
sait. Voilà ce que je crois, moi. C’est simple, à la portée de tout le monde, et
pas difficile à faire.
    Mais la jeune fille continuait de plus belle à supplier Margaret :
    — Pensez pas du mal de lui, c’est un brave homme, je vous
assure. Je me dis souvent que même dans la cité de Dieu, j’aurai le cœur lourd de
chagrin si le père n’est pas avec moi.
    Un rouge fiévreux lui monta aux joues et une lueur passionnée
brilla dans son regard :
    — Mais tu seras là, papa ! Dis-moi que tu seras là !
Oh, mon cœur !
    Elle porta sa main à sa poitrine et devint d’une pâleur mortelle.
Margaret la prit dans ses bras et appuya la tête lasse sur son sein. Elle repoussa
en arrière les cheveux fins et dégagea les tempes, qu’elle bassina d’eau fraîche.
Sans qu’elle ait besoin de parler, Nicholas comprit chacune de ses demandes, avec
l’intelligence de l’amour. Même la sœur aux

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