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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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voiture, elle pourrait passer toute la journée ici, ce qui lui ferait très plaisir,
j’en suis sûre.
    Mrs Thornton posa son ouvrage sur la table. Elle paraissait
réfléchir.
    — Elle sera obligée de marcher longtemps pour rentrer chez
elle le soir, dit-elle enfin.
    — Oh, mais je la ferai raccompagner en fiacre. Je n’ai pas
songé un seul instant qu’elle pourrait rentrer à pied.
    Sur ces entrefaites, Mr Thornton arriva, prêt à partir pour
l’usine.
    — Maman, inutile de vous dire que si vous pensez à quoi
que ce soit qui puisse faire plaisir à Mrs Hale, qui est souffrante, vous le
lui apporterez.
    — Si je peux le deviner, je n’y manquerai pas. Mais moi
qui ai toujours été bien portante, je ne connais pas très bien les envies des malades.
    — Alors demande à Fanny, qui a toujours quelque indisposition.
Elle pourra peut-être te donner une idée, n’est-ce pas, Fan ?
    — Tu exagères, répliqua Fanny, dépitée. Mais je n’accompagne
pas maman. Aujourd’hui, j’ai la migraine et je ne sortirai pas.
    Mr Thornton parut contrarié. Sa mère, les yeux fixés sur
son ouvrage, se mit à tirer l’aiguille avec une célérité redoublée.
    — Fanny, je souhaite que tu y ailles, déclara-t-il d’un
ton sans réplique. Contrairement à ce que tu crois, cela te fera le plus grand bien.
Tu m’obligeras en accompagnant maman. Que je n’aie pas à te le dire deux fois.
    Et sur ces mots, il sortit de la pièce.
    S’il était resté une minute de plus, Fanny se serait mise à pleurer
en s’entendant ainsi donner des ordres, même adoucis par un « tu m’obligeras ».
Elle se contenta de grommeler :
    — A entendre John, on dirait que je suis une malade imaginaire.
Pourtant, je n’ai jamais rêvé mes malaises. Qui sont ces Hale pour qui il fait tant
d’embarras ?
    — Fanny, ne parle pas ainsi de ton frère. Il doit avoir
de bonnes raisons, quelles qu’elles soient, sinon il ne nous demanderait pas d’aller
chez eux. Dépêche-toi de te préparer.
    Mais la petite altercation entre son fils et sa fille ne fit
rien pour améliorer les dispositions de Mrs Thornton envers « ces Hale ».
Son cœur jaloux se répétait la question de sa fille : « Qui sont-ils pour
qu’il souhaite nous voir leur témoigner autant d’égards ? » Cette idée
l’obséda comme un refrain longtemps après que Fanny, toute au plaisir et à l’excitation
de voir dans la glace l’effet d’un nouveau chapeau, avait complètement oublié le
sujet.
    Mrs Thornton était timide. Ce n’était que depuis les dernières
années qu’elle avait quelques loisirs à consacrer à la vie mondaine ; or elle
n’aimait pas le monde. Elle éprouvait une certaine satisfaction à donner des dîners
et critiquer ceux des autres. Mais ce genre de visite où elle devait faire la connaissance
d’étrangers était une autre affaire. Mal à l’aise en entrant dans le petit salon
des Hale, elle paraissait encore plus sévère et rébarbative qu’à l’ordinaire.
    Margaret était occupée à broder un petit morceau de batiste destiné
à garnir un vêtement pour le bébé qu’attendait Edith. « Frivole et inutile »,
décréta intérieurement Mrs Thornton. Elle préféra le jersey double que tricotait
Mrs Hale : cela au moins, c’était un ouvrage pratique. La pièce était
remplie de bibelots qui devaient prendre beaucoup de temps à épousseter ; et
le temps, pour des gens aux revenus limités, c’était de l’argent.
    Elle se fit toutes ces réflexions en silence tout en parlant
avec sa solennité coutumière à Mrs Hale, et en enfilant ces chapelets de lieux
communs que la plupart des gens peuvent débiter les yeux fermés. Mrs Hale se
mettait en frais pour lui répondre. Elle était fascinée par la dentelle ancienne
et authentique qu’arborait Mrs Thornton ; comme elle le dit plus tard
à Dixon, « une dentelle au point anglais traditionnel qu’on ne fait plus depuis
soixante-dix ans et qu’on ne trouve plus à acheter, ce doit être une pièce de famille,
ce qui montre qu’elle a des ancêtres ». Aussi la propriétaire de la dentelle
ancestrale devint-elle digne qu’on fasse pour elle certains efforts, et que l’on
ne se contente pas de lui débiter les remarques languissantes auxquelles
Mrs Hale se fût bornée sinon. Bientôt, Margaret, qui se trouvait à court d’inspiration
pour parler à Fanny, entendit sa mère et Mrs Thornton se lancer dans l’inépuisable
sujet des

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