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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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n’expliqueriez-vous pas les raisons sérieuses
que vous avez de vous attendre à une période difficile pour le commerce ? Je
ne sais pas si j’utilise les mots corrects, mais je suis sûre que vous comprenez
ce que je veux dire.
    — Est-ce que vous donnez à vos domestiques des justifications
pour vos dépenses ou vos économies ? Nous autres, qui possédons le capital,
avons le droit de décider de quelle façon nous l’utilisons.
    — Un droit humain, murmura Margaret.
    — Excusez-moi, je n’ai pas entendu ce que vous disiez.
    — Je préfère ne pas le répéter, dit-elle. Cela exprimait
un sentiment que vous ne partagez sûrement pas.
    — Qu’en savez-vous ? plaida-t-il, soudain absolument
décidé à savoir ce qu’elle avait dit.
    Cette opiniâtreté déplut à Margaret, mais elle préféra ne pas
s’obstiner en restant sur ses positions.
    — J’ai dit que vous aviez un droit humain, en d’autres termes
qu’il ne semblait pas y avoir de raison, sinon religieuse, pour que vous ne disposiez
pas à votre gré de ce qui vous appartient.
    — Je sais que nous différons en matière d’opinions religieuses ;
mais ne m’approuvez-vous pas d’en avoir, même si elles sont différentes des vôtres ?
    Il avait parlé à mi-voix, comme s’il ne s’adressait qu’à elle.
Elle ne tenait pas à cette exclusivité et lui répondit d’une voix normale :
    — Je ne crois pas devoir prendre en considération vos opinions
religieuses dans cette affaire. Je voulais simplement dire qu’il n’existe aucune
loi humaine empêchant les patrons de gaspiller leur argent ou de le jeter par les
fenêtres si bon leur semble ; mais qu’il y a dans la Bible des passages qui
semblent impliquer – à mon sens en tout cas – que ce faisant, ils trahissent leurs
devoirs d’intendants. Quoi qu’il en soit, j’en sais si peu sur les grèves, le niveau
des salaires, le capital et les travailleurs, que je ferais mieux de me taire face
à un homme qui, comme vous, s’y entend en économie politique.
    — Raison de plus, au contraire, dit-il d’un ton pénétré.
Je me ferai un plaisir de vous expliquer tout ce qui, aux yeux d’un étranger à cette
ville, peut paraître anormal ou mystérieux ; surtout à un moment tel que celui-ci,
où la moindre de nos actions va être passée au peigne fin par le premier scribouilleur
capable de tenir une plume.
    — Je vous remercie, répondit-elle avec froideur. Naturellement,
je m’adresserai d’abord à mon père pour avoir les informations qu’il peut me donner
si je suis déconcertée par la vie que l’on mène dans le monde étrange d’ici.
    — Vous le trouvez étrange ? Pourquoi ?
    — Je ne sais pas, sans doute parce qu’à première vue, je
constate qu’il y a deux classes dépendant étroitement l’une de l’autre et qui, pourtant,
considèrent chacune les intérêts de l’autre comme opposés aux siens. Jamais encore
je n’ai vécu dans un endroit où deux groupes ne cessent de se dénigrer.
    — Qui avez-vous entendu dénigrer les patrons ? Je ne
vous demande pas qui vous avez entendu dire du mal des ouvriers, car je vois que
vous persistez à mal comprendre mes propos de l’autre jour. Mais qui avez-vous entendu
dire du mal des patrons ?
    Margaret rougit, puis sourit en répliquant :
    — Je n’aime guère les interrogatoires. Je refuse de répondre
à votre question. D’ailleurs, cela n’a rien à voir avec notre sujet. Vous devrez
me croire sur parole : j’ai entendu dire, peut-être par des ouvriers, qu’il
semblait que l’intérêt des patrons fût de les empêcher d’acquérir de l’argent, car
sinon, s’ils avaient des économies à la caisse d’épargne, ils deviendraient trop
indépendants.
    — C’est sans doute ce Higgins qui t’a raconté tout cela,
intervint Mrs Hale.
    Mr Thornton ne parut pas remarquer ce que Margaret souhaitait
si visiblement qu’il ne sache pas, mais il l’entendit cependant.
    — Il paraît aussi que les patrons jugent plus avantageux
d’avoir des ouvriers ignorants – et non des « chicaniers », ainsi que
le capitaine Lennox appelait les soldats de sa compagnie qui discutaient toujours
les ordres et voulaient en connaître le motif.
    La seconde partie de sa phrase s’adressait plus à son père qu’à
Mr Thornton, qui se demanda à part lui : « Qui est ce capitaine Lennox ? »,
avec tant de déplaisir qu’il ne put répondre sur-le-champ à Margaret ! Ce

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