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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elizabeth Gaskell
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qu’à moi – au reste, elle s’en offusquerait
davantage – de supposer que j’ai la moindre raison, hormis celle que je viens de
vous donner maintenant, de vous prier, maman et toi, de lui témoigner gentillesse
et attention.
    — Je ne peux lui pardonner son arrogance, répliqua sa mère.
Je lui prêterai mon assistance, si besoin est, parce que tu me l’as demandé, John.
Je prêterais assistance à Jezabel [43] en personne si tu me le demandais. Mais cette fille, qui nous regarde tous de haut
– qui te regarde de haut...
    —  Allons, maman, jamais je ne me suis mis dans une
position telle que je puisse me trouver en butte à son dédain et je n’ai pas l’intention
de m’y mettre.
    — Son dédain (Mrs Thornton prononça ce mot de son ton le
plus sarcastique), je te demande un peu ! Ne me parle plus de Miss Hale
si tu veux que je me montre aimable avec elle. Quand je suis en sa compagnie, je
ne sais pas si c’est la sympathie ou l’antipathie qui domine dans mes sentiments
envers elle. Mais quand je pense à elle et que je t’entends en parler, je la déteste.
Tu as beau ne pas le reconnaître, je vois bien qu’elle a pris ses grands airs avec
toi.
    — Même si c’est le cas..., répondit-il, puis il réfléchit
quelques instants avant de reprendre, je ne suis pas un gamin pour me laisser impressionner
par le regard hautain d’une femme ; et peu m’importe si elle se méprend sur
moi ou sur ma situation. Je m’en moque.
    — Évidemment. Et d’elle aussi, avec ses prétentions et son
air de ne pas se moucher du coude !
    — Je me demande pourquoi tu parles autant d’elle, alors,
dit Fanny. Pour ma part, je suis fatiguée du sujet.
    — Eh bien, rétorqua son frère avec une pointe d’amertume,
si nous en trouvions un plus agréable ? Que diriez-vous d’une grève, si vous
voulez quelque plaisante matière à discussion ?
    — Est-ce que les ouvriers ont abandonné le travail pour
de bon ? demanda Mrs Thornton avec un vif intérêt.
    — Ceux de Hamper ont quitté les ateliers. Les miens finissent
leur semaine, de peur d’être poursuivis pour rupture de contrat. J’aurais fait punir
tous ceux qui auraient abandonné leur travail avant d’avoir achevé le temps pour
lequel ils étaient payés.
    — Les frais judiciaires auraient coûté davantage que ne
valent les ouvriers eux-mêmes : un ramassis d’ingrats et de bon à rien !
dit sa mère.
    — Pour sûr. Mais je leur aurais montré que je tiens ma parole
et que j’entends qu’ils tiennent la leur. Ils me connaissent, depuis le temps. Les
ouvriers de chez Slickson ont cessé le travail. Il ne dépensera pas un sou pour
les faire punir, c’est certain. Nous sommes bons pour la grève, maman.
    — J’espère qu’il n’y a pas beaucoup de commandes en cours ?
    — Bien sûr que si. Ils le savent pertinemment. Mais ils
ne comprennent pas tout, bien qu’ils croient le contraire.
    — Que veux-tu dire, John ?
    On avait apporté des chandelles, et Fanny avait pris son ouvrage,
une interminable tapisserie sur laquelle elle bâillait, s’appuyant de temps à autre
au dossier de son fauteuil pour fixer le vide tout à son aise sans penser à rien.
    — Vous savez, les Américains mettent leurs tissus sur le
marché, et notre seule chance est d’en produire de moins chers. Sinon, autant fermer
boutique tout de suite, et patrons et ouvriers se retrouveront ensemble à la rue.
Et pourtant, ces imbéciles voudraient qu’on en revienne aux prix pratiqués il y
a trois ans – et même, certains de leurs chefs citent les prix de Dickinson aujourd’hui
– alors qu’ils savent aussi bien que nous qu’entre les amendes prélevées sur les
salaires – un procédé d’extorsion qu’aucun homme honorable n’accepterait de pratiquer
– et d’autres procédés que je me refuserais personnellement à utiliser, le niveau
réel des salaires chez Dickinson est inférieur au nôtre. Ma parole, maman, je regrette
que les anciennes lois sur les associations ne soient plus en vigueur. C’est vraiment
malheureux de voir que des imbéciles – des cabochards ignorants comme ceux-là –
peuvent, simplement en se concertant entre eux, décider du sort de ceux qui apportent
toute leur sagesse, issue du savoir, de l’expérience, et aussi souvent des soucis
et de l’inquiétude. La prochaine étape – et nous n’en sommes pas loin à présent
–, c’est qu’il nous faudra aller demander, humblement et chapeau bas,

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