Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
qui n’étaient pas si différents. Glissons un mot de ce qui se passe durant ce même xvii e siècle de l’autre côté de la Manche.
Tout n’est pas comparable, c’est évident, notamment à cause de la question religieuse. Contrairement à la France, où les protestants ne sont qu’une petite minorité face à une énorme majorité catholique, l’Angleterre est partagée entre de nombreuses factions : elle est officiellement anglicane, mais les catholiques ou les diverses chapelles protestantes n’ont jamais renoncé à reprendre le pouvoir.
Par d’autres côtés néanmoins, l’histoire anglaise n’est pas si différente. Ainsi, là-bas, certains souverains sont-ils eux aussi tentés par l’absolutisme, et ce, bien avant que notre Louis XIV ne l’applique : c’est le cas de Charles I er (règne en 1625, meurt en 1649), un roi de la dynastie Stuart, contemporain de Louis XIII. Il a face à lui un adversaire coriace, le Parlement. Le parlement français aurait pu le devenir. Au début de la Fronde, celui de Paris a pensé imposer au roi un renforcement de son pouvoir et un vrai contrôle de la monarchie. Faute de savoir fédérer les autres forces du pays, il n’y est pas parvenu. En Angleterre, pendant de nombreuses années, le roi Charles a réussi à le faire taire et à gouverner sans lui, puis peu à peu son parlement s’est relevé et cela a dégénéré en guerre civile. Charles aurait-il gagné cette guerre, sans doute l’Angleterre serait devenue vingt ans avant la France une monarchie aussi centralisée et autoritaire. Il la perd. Jugé, il perd aussi sa tête : en 1649, il est décapité et la monarchie est remplacée par une sorte de semi-république, le « Commonwealth », placée sous la direction d’un « Lord Protector », Cromwell (de 1648 à 1658). Malgré ce beau nom de république, le régime ne doit faire envie à aucun ami des libertés : c’est une dictature pire encore à vivre que la pire des monarchies. Au pouvoir absolu s’ajoute un puritanisme religieux qui interdit à peu près tout, les jeux, les bals, la taverne. Dans un deuxième temps, toutefois, le pays accouche enfin d’un vrai progrès. Après la mort de Cromwell, les rois Stuarts reviennent au pouvoir. Le premier, Charles II (né en 1630, règne en 1660, meurt 1685), rêve aussi d’établir un absolutisme à la française, n’y arrive pas, et son frère Jacques II fait poindre une menace encore pire : la restauration du catholicisme. C’est trop. Les forces parlementaires coalisées chassent ces maudits Stuarts et font appel en 1688 à un prince hollandais, Guillaume d’Orange, pour installer dans le pays un régime tempéré. L’épisode s’appelle « la Glorieuse Révolution », et celle-ci n’a presque pas fait couler de sang. L’arrivée du nouveau prince est assortie d’un certain nombre de textes qui garantissent des droits au Parlement et aux individus, limitent le pouvoir royal et instaurent un régime nouveau alors : la monarchie parlementaire. La France en est loin. C’est ce que l’on va voir maintenant.
1 Nouvelle Histoire de la France moderne , t. 3, La naissance dramatique de l’absolutisme , « Points », Le Seuil, 1992.
2 Cours d’histoire , Armand Colin, 1906.
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Louis XIV
en majesté
Mazarin meurt dans la nuit du 9 mars 1661. Le 10 au matin, le roi fait tenir son conseil pour lui dire qu’il entend désormais gouverner lui-même. Il précise peu après la ligne qui sera la sienne. Elle tient dans sa célèbre réponse à une question que lui pose l’archevêque chargé des problèmes du clergé, qu’il croise : « Votre majesté m’avait ordonné de m’adresser à Monsieur le Cardinal pour toutes les affaires. Le voilà mort ; à qui veut-elle que je m’adresse ? », demande l’ecclésiastique. Et Louis : « À moi. »
Lui, gouverner ! Certains n’en reviennent pas. La reine mère, à la nouvelle, « rit ». La plupart parient pour une foucade. Allons, Louis, l’ami des plaisirs, l’homme des fêtes, des bals, le beau jeune homme ami des femmes et des danses, se perdre dans la lecture des tristes mémoires tendus par d’ennuyeux ministres ? Il s’en lassera ! Tous se trompent. Le jeune homme n’a pas vingt-trois ans. Jusqu’à sa mort, cinquante-quatre ans plus tard, il n’y aura, pour commander, d’autre prince que lui. Sa réponse à l’archevêque sera la loi et les prophètes, l’origine et la fin de toute action
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