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Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Titel: Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Reynaert
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sentiment national allemand ». Le pays n’existe pas encore en tant que tel mais ses élites sont déjà soudées par un projet commun : pouvoir un jour se venger de ce que la France leur a fait subir.

    La misère des campagnes et les grandes famines du règne
    La société du xvii e est profondément inégalitaire, nul n’en doute. Écoutons l’excellent Pierre Goubert, déjà cité, qui en a étudié de près la structure, et la résume ainsi : « Neuf sujets du roi Louis travaillaient de leurs mains rudement et obscurément pour permettre au dixième de se livrer à des activités bourgeoises […] ou simplement à la paresse. » La vie paysanne, nous apprend-il, est dure et courte. On se marie tard parce qu’il faut un peu de bien pour s’établir, on meurt jeune, si on a la chance, bien sûr, d’avoir survécu à la petite enfance : les taux de mortalité infantile sont terribles. Et qui s’en soucie ? « La mort d’un cheval, dit notre historien, est plus grave que la mort d’un enfant. » Seule l’Angleterre et les Provinces-Unies voient leur population augmenter, ailleurs elle stagne. L’impôt est écrasant. Parfois, on n’en peut plus et une révolte éclate, vite réprimée dans le sang par les armées du roi. La misère est endémique, des bandes errent dans les campagnes et sont repoussés des villes par les « chasse-gueux », des hommes armés de bâtons que les autorités emploient spécialement à cet effet. On ne sait pas grand-chose des « sans feu ni lieu » qui couraient les chemins, louaient leurs bras pour une moisson ici ou un petit travail ailleurs, et dépérissaient quand il n’y en avait plus.
    C’est que parfois, comme les plaies sur l’Égypte, tombent sur le pays ces fléaux qui le ravagent depuis toujours, cette maudite trinité : la peste, la guerre, la famine. On les prend pour des calamités contre lesquelles il n’y a rien à faire qu’à subir. Certaines, pourtant, par leur ampleur, dépassent l’imaginable. Goubert a étudié tout particulièrement la « famine de l’avènement » qui frappe en 1661. On cite aussi le « grand hyver » de 1709, tellement glacial, tellement sinistre qu’il vit les loups affamés entrer dans les villes pour y chercher un peu de chair à mordre. Arrêtons-nous un instant sur le pire de ces désastres : la très grande famine des années 1692-1694. Deux années de suite, les récoltes sont gâchées par des pluies, des gels, des printemps glaciaux suivis par des étés pourris. Le grain manque, les prix montent, les pauvres ne peuvent plus acheter. Les plus fragiles meurent d’abord – les bandes d’errants dont on parlait, les enfants abandonnés. Le reste suit peu à peu. Tout un peuple glisse au tombeau de faim, d’empoisonnement, de maladie – dans ce contexte sanitaire, le typhus et le scorbut ont bien vite fait leur réapparition. Au total, près d’un sujet du royaume sur dix disparaît. Entre un million et demi et deux millions d’enfants, d’adultes, de vieillards crevant au bord des chemins l’écume aux lèvres, ou agonisant sur des paillasses des pires fièvres, des maladies les plus atroces, usés d’avoir dû avaler pendant des mois des ordures, du pain de glands, de la bouillie d’herbe, des restes de carnes.
    Voilà ce que l’on découvre au hasard des livres. Que faire de ce chiffre proprement ahurissant ? S’en servir pour montrer l’indifférence du temps à la souffrance des contemporains ? Ce serait faux. À chaque famine, des voix se sont élevées. En 1661 Bossuet, en chaire, sermonnait les puissants : « Ils meurent de faim ! Oui messieurs, ils meurent de faim dans vos terres, dans vos châteaux. » Au moment de la catastrophe de 1692-1694, l’autre grand évêque du siècle, Fénelon, écrit sa fameuse « lettre à Louis XIV », réquisitoire implacable contre un roi qui n’aime plus que « sa gloire et sa commodité », et ruine son pays pour faire la guerre : « Au lieu de tirer de l’argent de ce pauvre peuple, il faudrait lui faire l’aumône et le nourrir. La France entière n’est plus qu’un grand hôpital désolé et sans provisions. » L’évêque n’a pas signé la lettre, le roi ne la lira pas, mais l’accusation est là.
    À quoi cela sert-il ? Pas à grand-chose. Partout, des actions de charité se mettent en place. À Paris, le roi, compatissant, fera distribuer « des aumônes à ses peuples… ». Ses ministres, successeurs de

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