Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
Colbert, font ce qu’ils peuvent pour trouver de l’argent. On essaie aussi de trouver du blé qui n’ait pas été accaparé par les armées, on fait même venir du riz d’Égypte, mais bien peu. Le clergé distribue du pain, sort les reliques et organise des processions. Cette famine, selon un spécialiste cité dans France baroque, France classique 4 , « a fait pratiquement autant de morts que la guerre de 14 mais en deux ans ». Qu’y peut-on ? C’est Dieu qui l’a voulu. Faut-il tenir Louis XIV pour directement responsable de cette catastrophe ? Les choses sont plus complexes. On peut au moins garder à l’esprit cet autre visage du grand siècle, un temps où la mort de deux millions de personnes, faute de pain, n’apparaît comme rien d’autre qu’une fatalité.
1 La France de la monarchie absolue , op. cit.
2 Histoire de l’Allemagne, des origines à nos jours , « Points », Le Seuil, 1999.
3 « Tempus », Perrin, 2003.
4 « Bouquins », Robert Laffont, 1999.
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La pensée
du Grand Siècle
Nous sommes encore au temps du grand Louis. Comment ne pas parler de ceux qui, dans nos mémoires, forment sa suite extraordinaire ?
« Perchée sur la racine de la bruyère, la corneille boit l’eau de la fontaine Molière », marmonnait-on jadis dans les écoles pour être sûr de n’en oublier aucun, ce qui permettait d’en oublier autant au passage. Racine, La Bruyère, Corneille, Boileau, La Fontaine et Molière, donc, mais encore Bossuet et ses sermons, La Rochefoucauld et ses maximes, Mme de Sévigné et ses lettres. Le xvii e est grand par le renom du puissant monarque qui l’a dominé, il l’est aussi par celui des architectes (Le Vau, après avoir bâti Vaux-le-Vicomte, le superbe château de Fouquet, s’attelle à Versailles), des jardiniers paysagistes (Le Nôtre), des peintres (Charles Le Brun) et surtout de tous ceux que l’on vient de présenter, nos hommes de lettres, nos chers classiques .
Repères
– 1673 : mort de Molière
– 1677 : Phèdre de Racine
– 1680 : querelle des Anciens et des Modernes
– 1684-1687 : Nouvelles de la république des lettres de Pierre Bayle
– 1685 : Histoire critique du vieux testament de Richard Simon
– 1710 : destruction de l’abbaye de Port-Royal, bastion du jansénisme
Des baroques aux classiques
Nous étions retournés à l’école. Restons-y un instant pour revoir la structure de la vie littéraire au xvii e , comme on l’apprend en classe de première. En général, on oppose les deux moitiés du siècle : la première est jugée baroque , du nom de ce grand mouvement artistique né dans la Rome des papes, à la fin du xvi e . Elle aime le mouvement, la ligne courbe, le foisonnant, l’alambiqué parfois. Elle pourrait nous ramener chez les joyeux poètes libertins dont nous avons parlé déjà. Nous faire rire à gorge déployée avec les audaces parfois triviales de l’irrésistible Scarron, auteur du Roman comique . Et tout aussi bien nous conduire au pays du raffinement le plus soigné, dans la chambre bleue de l’hôtel de Rambouillet, à Paris, ou chez Madeleine de Scudéry. Ces élégantes qui tiennent salon veulent mettre fin aux excès de la violence masculine. Elles aiment le langage policé à l’extrême, l’amour tel qu’il court sur les routes dessinées de la « Carte du tendre », et les vers délicats du poète Vincent Voiture. Ce sont les Précieuses .
Avec le second xvii e , celui de notre Grand Roi, arrive donc notre siècle classique : désormais doit régner l’ordre, le sentiment vrai, élevé et pur, et partout la ligne droite, comme dans un de ces beaux jardins à la française qui feront la gloire de Le Nôtre. Tout doit être clair et tenu, et les mouvements du cœur, les passions ne s’entendent plus que sublimés par les alexandrins que disent de lointains héros antiques, dans les grandes tragédies.
Les divisions sont toujours factices. Cent spécialistes s’insurgeront sans doute contre celle que nous venons d’établir. Le classicisme pointait sous le baroque, diront-ils, et inversement. Dès les temps de Richelieu, les tragédies en règle de Corneille, les vers austères de Malherbe, annonçaient un style qui n’a jamais fait non plus disparaître le précédent. Qu’importe. Contentons-nous de prendre une chronologie d’histoire littéraire et faisons le compte de ce que l’on y déniche durant le début du règne effectif de Louis XIV,
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